La litterature permet d’apprehender l’impact des decouvertes medicales, et cet article se penche sur deux romans victoriens tardifs qui exposent les problemes ethiques et epistemologiques engendres par la scientisation de la medecine : St Bernard’s: The Romance of a Medical Student (1887) d'Edward Berdoe ou il est question d’un hopital pour indigents dans lequel on effectue des recherches a leurs depens, et The Professor’s Wife (1881) de Leonard Graham, qui met en recit les effets destructeurs et deshumanisants des pratiques scientifiques, notamment la vivisection, ainsi que leurs consequences tragiques pour l’innocente epouse d’un professeur de physiologie. Grâce a l’approche genealogique de Michel Foucault, il est possible d’identifier les differentes manieres dont ces romans repondent a l’avenement de l’epistemologie purement scientifique laquelle, a son tour, a debouche sur un rejet global des pratiques medicales existantes sur la base du fait qu’elles etaient non-scientifiques et inefficaces, et sur le corollaire que seule une recherche intensive pouvait un jour aboutir a de veritables guerisons. Toutefois, en attendant, les medecins pouvaient faire peu de choses pour venir en aide a leurs patients. Telle etait la doctrine du nihilisme medical et therapeutique. Comme ces romans le suggerent, cependant, une interpretation aussi radicale de l’art de guerir legitimait l’exploitation des patients comme materiau experimental, en particulier ceux qui etaient socialement desempares parce que pauvres ou necessiteux. Cette reification du corps du patient a engendre une opposition de vaste ampleur comme l’attestent ces romans. En outre, de nouvelles voies epistemologiques dominees par la science etaient aussi liees a la vivisection, que les contemporains britanniques consideraient comme scandaleuse et qui, en depit de la legislation, continuait de preoccuper les pionniers de la physiologie. Comme le suggerent ces romans, des questions ethiques etaient negligees par les professionnels de la science medicale desormais determines a poursuivre leurs recherches, souvent au mepris de la souffrance.