Au même titre que d’autres modes d’expression littéraires classiques, le rap se positionne comme un lieu d’énonciation et de dénonciation du malaise individuel et social dans tous ses états. Outre ses ressources esthétiques, poétiques, musicales et visuelles, le rap est révélateur d’un discours social. Ses thématiques s’inspirent des expériences personnelles pour exprimer le collectif. Le présent article envisage d’examiner dans une perspective transculturelle et performative les textes de quatre rappeurs : Booba (« Jimmy »), La Fouine (« Mes repères »), Valsero (« Lettre au Président ») et Maalhox le Viber (« Tu es dedans »). Les deux premiers sont français et les deux autres camerounais. Issus d’un milieu social précaire et ayant chacun vécu directement des situations difficiles (vie d’immigrés, misère, chômage, incarcérations, etc.), ces rappeurs font du rap satirique et auto/socio-thérapeutique. Ils se disent en disant le social au moyen d'une performance rhétorique. Selon eux, la réalité quoique poétisée à bien des égards, doit être (d)énoncée avec crudité ou âpreté pour susciter un changement. Ainsi, les deux rappeurs français mettent en scène un quotidien marqué par la violence et la précarité qui fixe le parcours des immigrés banlieusards. Chez leurs confrères camerounais, il est question de la jeunesse atrophiée/asphyxiée, abandonnée à elle-même avec ses rêves devenus vains à cause d’une caste politique égoïste et individualiste, engluée dans une pratique de la mauvaise gouvernance criante et révoltante (Valsero). Cette jeunesse, en perte de repères, se réfugie dans la débauche sexuelle outrancière (Maalhox le Viber). Peu importent les frontières, le rap est un discours poético-musical qui a recours à des procédés satiriques. À l’instar des écrivains dits engagés, les rappeurs allient les mots et les maux pour faire de leur art un instrument de plaisir et du progrès social.