Un apiculteur introduisit des colonies d'abeilles melliferes, Apis mellifera L, au centre de l'ile de Santa Cruz aux environs de 1873, mais les abandonna avant 1880. La descendance des colonies originelles devint sauvage et se repandit sur la majeure partie des 25 000 ha de l'ile au cours des 110 annees qui suivirent, sans qu'il n'y ait apparemment de nouvelle introduction d'abeilles. Une analyse allozymique des abeilles sauvages a suggere que la population fondatrice etait petite. Le couvain plâtre, mycose des abeilles melliferes causee par Ascosphaera apis, a ete signale pour la premiere fois aux Etats Unis en 1968. En 12 ans il s'est etendu a toute l'Amerique du Nord. En 1990, au cours d'operations destinees a eliminer toutes les abeilles de l'ile de Santa Cruz, on a remarque le developpement de champignons sur des cellules des rayons et sur des larves provenant de colonies sauvages. La presence d'opercules affaisses, de couvain dissemine et de larves brunes deformees suggerait en outre l'existence de maladies bacteriennes. Des rayons representatifs ont ete preleves, des cellules et leur contenu examines et le contenu de 28 cellules selectionnees (14 operculees et 14 non operculees) a fait l'objet d'analyses micro-biologiques detaillees afin de diagnostiquer les maladies bacteriennes et fongiques et d'isoler les organismes responsables. L'examen de 11 larves momifiees, de 15 larves decolorees et de deux cellules de pollen n'a pas revele de maladies bacteriennes ni d'agents pathogenes. Neanmoins A apis etait present dans onze des echantillons (cinq momies, deux larves decolorees et deformees et quatre larves decolorees intactes) a la fois dans des cellules operculees et des cellules non operculees. Penicillium brevicompactum et P cyclopium var echinulatum sont les organismes les plus frequemment isoles des momies qui ne renfermaient pas Aapis ou des momies qui renfermaient du mycelium d'A apis non viable. Vingt souches d'A apis ont ete isolees.' Elles ont ete identifiees par la mesure des structures morphologiques et par des tests de fecondation avec des souches referencees. Les diametres des sporocystes des souches de l'ile correspondaient en general a ceux des souches du continent, a quelques exceptions pres pour lesquelles les sporocystes des souches insulaires etaient significativement plus grands (tableau I). L'analyse de 19 enzymes de souches insulaires fecondees et non fecondees a montre des differences par rapport aux souches continentales mais une remarquable similitude parmi les souches insulaires, a la fois dans la qualite et la quantite des enzymes produits (fig 1). Ceci est l'indication d'une faible variabilite de l'agent pathogene dans l'ile, contrairement a ce qui se passe pour les souches du continent nord-americain. Les differences les plus notables entre les souches insulaires et continentales portaient sur l'absence de butyrate esterase et sur la presence de cystine aminopeptidase et de chymotrypsine chez les souches de l'ile de Santa Cruz. Ces resultats, ainsi que l'histoire des abeilles sur l'ile, montrent que l'agent pathogene a probablement accompagne les abeilles sur l'ile et que celles-ci ont survecu au couvain plâtre par un comportement hygienique, qui se manifeste par des petits trous dans les opercules, par l'elimination partielle des opercules des cellules renfermant du couvain mort et par des microorganismes antagonistes d'A apis qui ont ete isoles dans les echantillons. Il se peut donc que le couvain plâtre ait ete present sur l'ile de Santa Cruz longtemps avant que la maladie ne soit signalee sur le continent.