La colline Saint-Charles à Marseille a fait l’objet d’opérations d’archéologie préventive de 2000 à 2008 au préalable à une réhabilitation immobilière. Les sondages préliminaires ont montré qu’elle était partiellement occupée durant le Mésolithique I et le Néolithique ancien (VIIIe et VIe millénaires av. J.-C) et probablement entièrement durant le Néolithique moyen et récent (IVe millénaire av. J.-C.). Toutefois, seuls quatre «sites préhistoriques » définis artificiellement par l’emprise des opérations immobilières et pour lesquels les niveaux stratigraphiques étaient bien conservés ont fait l’objet de fouilles. Des structures d’habitat de différentes natures (trous de poteaux, fosses, sols de circulation, plan d’habitat, murs en terre) et du matériel archéologique (lithique, céramique) sur l’ensemble des sites témoignent des occupations successives de cette portion de colline. L’une des caractéristiques majeures de ces habitats et l’objet de cet article est la présence de malacofaune marine dans tous les niveaux archéologiques de la colline à l’exclusion de tous autres vestiges de faune terrestre sauvage ou domestique et de restes végétaux sauvages ou cultivés. L’étude permet d’avancer quelques hypothèses sur les raisons de cette présence exclusive. Elle met en évidence une évolution sur le long terme des espèces en présence. Aux patelles (Patella sp.) et bigorneaux (Phorcus turbinatus) consommés au Mésolithique I, succèdent les coques (Cerastoderma sp.) et les bigorneaux (Phorcus turbinatus) au Néolithique ancien, puis les cérithes (Cerithium vulgatum) et les bigorneaux (Phorcus turbinatus) au Néolithique moyen et enfin les murex (Hexaplex trunculus) et les tritons (Charonia lampas et variegata) au Néolithique moyen-récent. Le choix des espèces et du biotope apparaît orienté pour chaque période et permet de supposer des options préférentielles de cueillette en relation avec une évolution du goût et des techniques de collecte tout au long de l’occupation de la colline. Au Mésolithique et au Néolithique, la faible proportion de coquilles et leur dispersion au sol sur le site de Bernard-du-Bois ne conduisent pas à privilégier l’hypothèse d’un amas coquillier, mais plutôt celui d’un dépôt coquillier. La cueillette de la malacofaune marine du Mésolithique I et du Néolithique ancien semble intégrée de façon opportuniste aux stratégies d’exploitation du territoire et pourrait être rapportée sur la colline à la faveur de déplacements saisonniers en complément d’un autre type de diète alimentaire. Au Néolithique moyen et récent, il s’agit toujours d’un dépôt coquillier. Toutefois, les stratégies de collecte s’orientent vers des coquillages à plus fort rendement alimentaire dont la consommation pourrait compenser en partie une diète carnée d’origine terrestre. Par ailleurs, à partir du Néolithique moyen, sous les effets de la remontée de la mer, la colline passe d’un statut de site «d’arrière-pays » à celui de site côtier. La fréquentation de la colline devient plus pérenne. Durant le Mésolithique I et le Néolithique ancien, la présence de malacofaune marine sur les sites du littoral et sur la colline laisse supposer des liens de complémentarité, internes au bassin de Marseille. Au Néolithique moyen, la colline est intégrée aux réseaux de circulation de matières premières lithiques qui prennent place en dehors du bassin de Marseille (silex bédoulien, roches vertes), mais la nature des contreparties échangées demeure inconnue. Les stratégies économiques mises en place par les groupes humains du Mésolithique et du Néolithique méridional pour la gestion de l’environnement côtier en relation avec les sites de l’arrière-pays au moment du passage à l’Holocène apparaissent variées.