De la fin du dix-septième siècle à l’époque victorienne, les clubs de gentlemen ont toujours oscillé entre norme et dissidence. Cette ambivalence des clubs londoniens est perceptible à travers un certain nombre de paradoxes propres à leur identité, tels que les tensions entre intégration et exclusion, privé et public, par exemple. Si un esprit de dissidence animait les premières factions politiques qui commencèrent à se réunir dans les tavernes et cafés de la capitale pendant la Restauration, les clubs devinrent, au xviiie siècle, à la fois un contre-pouvoir potentiel et un outil efficace pour renforcer l’organisation partisane. D’autre part, en tant que véritables instruments de socialisation, les clubs londoniens offraient aux jeunes hommes un espace propice à leur intégration sociale dans un réseau d’affiliation masculine très sélectif. Être membre d’un club exigeait donc que l’on se conforme à des normes sociales (politesse, éducation, etc.). En effet, fréquenter un club était alors le meilleur moyen d’acquérir le vernis culturel et les talents sociaux nécessaires pour devenir un parfait gentleman. Cependant, alors que des règles strictes, des rituels savamment orchestrés, ainsi que le caractère exclusif (tant sur le plan social que sexuel) de ces institutions étaient supposés garantir la modération, l’ordre moral et la cohésion sociale, il semble pourtant que les manquements ou excès de certains de leurs membres n’étaient pas rares. Un comportement dissident se déclinait selon différents degrés de transgression, allant du simple mépris des normes sociales à une attitude plus provocatrice, voire criminelle. De manière surprenante, si certains hommes au comportement déviant se voyaient exclus de ces cercles exclusifs et ainsi marginalisés, d’autres demeuraient, paradoxalement, des figures sociales ou politiques de premier plan. Enfin, de par son ambivalence, le club anglais peut être considéré comme un espace de sociabilité distinct. Hésitant constamment entre norme et dissidence, cette institution unique en son genre semble refléter les spécificités du caractère national et, par conséquent, contribuer à redessiner les contours d’un modèle de sociabilité anglaise, selon de nouvelles normes. En outre, sa tradition élitiste et masculine persistante et son évolution pendant l’époque victorienne en font, indéniablement, une forme de résistance à la modernité.