Abstract

Certaines entreprises privées ont recours à un type de lobbying discret et encore peu connu, fondé sur la mobilisation de client∙es, éperonné∙es et outillé∙es pour peser sur les décisions publiques qui les concernent. Cette pratique du monde des affaires, qui associe le public à sa contestation du pouvoir régulateur étatique et local, participe à une entreprise de conquête et de domination du politique. À partir d’une enquête sur Airbnb (à San Francisco, Barcelone, Londres et Paris), l’article rend d’abord compte des modalités de cet « embrigadement consentant » (techniques de recrutement, profilage, formation, tactiques de mobilisation, instrumentalisation des relations sociales, activités récréatives, aide logistique, etc.) et montre comment ce « militantisme mercantile » s’articule à la politisation de l’activité de la multinationale − la location temporaire de meublés touristiques. Puis, il développe six arguments à l’appui de la thèse, défendue par l’autrice, de la politisation d’Airbnb comme forme d’opposition au « droit étatique à dire le droit » : la quête locale d’une légitimité sociopolitique et d’un « capital populaire » ; la revendication d’agir pour le bien commun ; la prétention à concurrencer l’État (social) ; la défense de valeurs progressistes ; l’ennoblissement de l’activité de ses client∙es ; et le cadrage des mobilisations sur le mode de la résistance et de la défense de droits fondamentaux. Le « militantisme mercantile » illustre ainsi une porosité entre des registres et des pratiques qui relèvent tout à la fois de l’intérêt général, du militantisme et du marché. Mise au service de la contestation du droit des États à réguler les activités du monde des affaires, cette porosité compromet l’autonomie des mondes sociaux et appauvrit la démocratie.

Full Text
Published version (Free)

Talk to us

Join us for a 30 min session where you can share your feedback and ask us any queries you have

Schedule a call