Abstract

Cet article propose une réflexion comparée, explorant les interstices entre littérature, histoire et études de genre, à partir du cas exemplaire de deux romans contemporains qui rejouent à neuf le procès de la lectrice en régime européen dont la figuration reste coextensive de la désapprobation. La mise en accusation est exacerbée par l’inscription dans des contextes de grandes tensions (les « Troubles » en Irlande du Nord ; l’après-Deuxième Guerre mondiale en Allemagne et le rapport au passé nazi), qui révèlent les mécanismes de contrôle encadrant la représentation de la lecture féminine, fait nodal du Liseur (1995) et de Milkman (2018). Alors que les figures ne lisent que le canon européen le plus légitime et ne sont pas montrées comme de « mauvaises » lectrices, elles sont l’objet d’une condamnation unanime. L’enjeu de ce paradoxe est la pratique en soi de la lecture par les femmes, les cadres historiques mettant en lumière les impératifs genrés asymétriques et le partage hétérosexiste propre aux sociétés patriarcales. Lire par-devers soi est compris comme geste séditieux et dissident, l’incarnation paradigmatique d’une insubordination, acte d’autonomie et de subjectivation particulièrement refusé aux femmes – d’où la nécessité de placer sous contrôle ces lectrices qui font défection.

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