Au debut des annees 1950, la 20th Century–Fox a acquis les droits a un systeme suisse de television projetee (theater television) appele Eidophor, qui allait, selon la direction du studio, elargir le champ des opportunites economiques pour les exploitants de salles. L’idee etait de transmettre en direct aux salles abonnees des « evenements speciaux » (des pieces a succes en provenance de Broadway, des operas, des concerts, des evenements sportifs et des films) dans une qualite d’image et de son optimale. En 1952, 300 transmissions ont pu avoir lieu dans les salles de cinema aux Etats-Unis, dont cinq organisees au niveau national. En decembre 1952, l’opera Carmen a ete diffuse en direct depuis le Metropolitan Opera de New York dans 31 salles de 26 villes differentes. Le gala d’ouverture de l’Opera en 1954 a meme ete transmis dans un reseau de salles encore plus etendu. Envisage au depart comme un complement regulier de la programmation des salles, le contenu hors film fera finalement l’objet d’une exploitation plutot evenementielle. Les exploitants (notamment de circuits importants) n’installeront finalement l’equipement necessaire que pour les transmissions justifiant la depense. La numerisation du parc de salles americain et mondial appelle aujourd’hui a reexaminer les strategies de programmation de contenus hors film dans les annees 1950 et a revoir le discours de la 20th Century–Fox au sujet des possibilites ouvertes par la diffusion electronique. Cet article a pour objectif d’etudier l’un des chapitres les moins connus de l’histoire de l’exploitation cinematographique aux Etats-Unis. En effet, a la lumiere des evolutions contemporaines dans le domaine des medias numeriques, cette premiere tentative d’introduction a grande echelle d’une forme de distribution dematerialisee de contenus film et hors film vers les salles de cinema revet une importance particuliere dans l’analyse des evolutions actuelles en matiere de strategies de programmation et des discours qui ont accompagne l’introduction de la projection numerique. Les salles de cinema sont en train aujourd’hui de transformer leur offre grâce au numerique et aux dispositifs de retransmission en direct via satellite. L’ecran de cinema prend les allures d’un centre multimedia ou d’un ecran geant de television haute definition. Cette idee est-elle si eloignee du concept de television projetee dans les salles (theater television ou cinema-television) des annees 1950 que Spyros Skouras, president de la 20th Century–Fox a qualifie comme « le plus grand stimulant que notre industrie ait connu depuis l’avenement du son au cinema » ?