Un dépôt d’objets métalliques daté de l’âge du Bronze final, a été mis au jour en 2010 au lieu-dit la Chapelle des Roches, dans la commune du Châtellier (Orne). Ce dépôt, attribuable à l’étape de l’épée du type en langue de carpe contient les types d’objets classiques de l’horizon de Vénat (900-800 av. J.-C.). Cette étude préliminaire se propose de présenter les deux fragments de chaudrons qui y ont été découverts. Au vu du faible nombre d’exemplaires de ce type d’objet retrouvés sur le territoire français, la découverte de deux fragments bien conservés, déposés au sein d’un même dépôt, acquiert donc un caractère exceptionnel. Il s’agit dans les deux cas d’attaches d’anse. Cette trouvaille est également tout à fait originale pour la fin de l’âge du Bronze, dans le sens où c’est la première fois en Europe atlantique que deux attaches d’anse pouvant être connectées à deux groupes typologiques distincts sont associées au sein d’un même dépôt. Nous identifions donc le premier fragment du dépôt de la Chapelle des Roches comme étant une attache d’anse de chaudron du groupe B0 et du type de Cloonta, selon la classification renouvelée de S. Gerloff (Gerloff, 2010, p. 44). Le type de Cloonta n’était précisément connu et défini jusqu’alors que par deux exemplaires irlandais complets. Néanmoins, plusieurs fragments de chaudrons découverts en France et en péninsule Ibérique avaient déjà été hypothétiquement reliés au groupe B0 (Gerloff, 2010, p. 210, 228 et 342). En effet, ils présentaient de manière convaincante de nombreuses connections avec le type de Cloonta. Cependant, ces restes étaient beaucoup trop fragmentaires et trop peu spécifiques pour pouvoir bénéficier avec certitude d’une attribution typologique précise. De même, si la présence en France de chaudrons appartenant au groupe B avait déjà été proposée par le passé (Hawkes, 1952 ; Briard, 1966 ; Coffyn, 1985), l’observation récente de ces restes a par la suite invalidé ces attributions (Gerloff, 2010, p. 227). C’est ainsi la première fois que le type de Cloonta peut être attesté avec autant de certitude en France et qu’une attache d’anse de chaudron s’y référant est découverte hors d’Irlande. D’un point de vue interprétatif, cette découverte pourrait apparaître comme tout à fait marginale, si lors de cette étude, un autre fragment de chaudron du groupe B0 n’avait pas été reconnu au sein d’un autre dépôt du Nord-Ouest français. Cet article sera donc l’occasion de redécouvrir une pièce de l’important dépôt du Jardin des Plantes (Nantes, Loire-Atlantique). Cet objet, désigné depuis sa découverte comme étant un rebut de métal, peut aujourd’hui être clairement identifié et rattaché aux chaudrons du type de Cloonta. De même, la relecture récente du dépôt du Vern, découvert à Moëlan-sur-Mer (Finistère), nous permet d’enrichir le corpus des fragments de feuilles de bronze appartenant par hypothèse à des chaudrons du groupe B0. Les exemplaires complets du type de Cloonta ne bénéficiant pas de contextes chronologiques fiables, leur datation s’est donc basée sur l’appartenance potentielle au groupe B0 de plusieurs fragments de chaudrons découverts en France et en péninsule Ibérique. La contemporanéité certaine de ces restes avec la culture matérielle de l’horizon de l’épée du type en langue de carpe a donc favorisé la datation du type de Cloonta au Bronze final atlantique 3 (Gerloff, 2010, p. 342). Ainsi, la découverte du dépôt de la Chapelle des Roches, de même que la relecture du fragment de chaudron du dépôt du Jardin des Plantes nous donnent donc, pour la première fois, les moyens de pouvoir confirmer cette hypothèse. Le second fragment du dépôt de la Chapelle des Roches est une attache d’anse de chaudron appartenant au groupe A2 et au type de Portglenone. Cette découverte permet de compléter l’aire de distribution de ce type en France et de confirmer l’hypothèse de sa contemporanéité avec le type de Cloonta. En définitive, les habituelles interactions observées entre les cultures matérielles du Nord-Ouest français et celles des autres régions de la façade atlantique européenne ne trouvaient jusqu’alors que peu d’échos dans les cartes de répartition des chaudrons de la fin de l’âge du Bronze. Ainsi, cette étude permettra, sinon de reconsidérer ce constat, du moins d’étoffer une présence sur le territoire français encore discrète. De même, loin d’invalider les précédentes propositions de connections entre certains fragments de la péninsule Ibérique et les chaudrons irlandais du type de Cloonta, l’exemplaire de la Chapelle des Roches, permet de consolider ce lien, notamment grâce à certains détails morphologiques. Ainsi, cet article étaye un peu plus l’hypothèse que les exemplaires irlandais, très atypiques morphologiquement par rapport aux autres chaudrons des îles Britanniques, soient possiblement des importations ou des copies trahissant des influences venant du continent. Enfin, cette étude souligne, s’il en était encore besoin, les différences de modalités de constitution des dépôts et de traitements des objets, observables d’une région à une autre.
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