L’objectif de cette étude a été d’expérimenter une méthode d’évaluation participative d’options techniques au sud du Togo. Pour répondre aux besoins face aux problèmes de fertilité des sols dans un contexte de systèmes mixtes agriculture élevage, des chercheurs ont évalué avec les diverses catégories d’acteurs le potentiel d’adoption de l’association du maïs, plante à fonction mixte alimentaire (grain) et fourragère (paille), et du Mucuna pruriens, légumineuse à cycle long employée comme fourrage et pour améliorer la fertilité des sols. L’association fertilisée avec des engrais chimiques a été dénommée MME ci-après. La méthode utilisée a mobilisé des outils d’analyse de la méthode active de recherche participative (MARP) et a compris quatre phases. La première correspondait à la description générale de l’ensemble de la région d’étude pour identifier des sites représentatifs à partir de la littérature et d’entretiens exploratoires. La seconde phase a permis la caractérisation de la diversité des producteurs à partir d’entretiens auprès des personnes ressources des sites retenus. La troisième phase a concerné la sélection participative d’un éventail d’options techniques comprenant l’association MME mais aussi des pratiques locales présentant des similitudes avec l’association MME, ainsi que d’autres propositions alternatives de la recherche pour améliorer la fertilité des sols et assurer l’alimentation fourragère des animaux. Cette sélection a été réalisée par un échantillon de producteurs représentatifs de leur diversité. Il leur a été demandé de hiérarchiser les différentes options techniques présentées lors de visites de parcelles expérimentales ou à l’aide de supports visuels. Ils ont utilisé des notes ou des cailloux compte tenu de la forte proportion d’illettrisme. La quatrième phase a été celle de l’évaluation aux dires de producteurs des effets perçus des différentes options sur la gestion des ressources agropastorales (eau, sol, biodiversité), leur acceptabilité ou leur rentabilité en fonction du coût de la main d’oeuvre. Cette méthode a été appliquée dans trois villages du sud du Togo. Dans ces villages, six principales catégories de producteurs ont été identifiées : les propriétaires terriens, les locataires de terres, les membres d’organisations paysannes, les producteurs lettrés, les producteurs illettrés, et les femmes. En plus du MME, six options ont été retenues dont l’association MME avec des variantes issues de pratiques locales, soit l’association maïs et Mucuna à cycle long mais sans l’usage d’engrais (MM), l’association maïs et Mucuna à cycle court et à base d’engrais (MMCE), l’association maïs et Mucuna à cycle court sans l’usage d’engrais (MMC), et maïs en culture seul avec apport massif d’engrais (ME). Les deux autres options ont été proposées par la recherche : maïs entouré de haies vives de légumineuses fourragères destinées à du bétail en stabulation contrôlée et dont le fumier était ensuite épandu au champ (MHF), et culture en couloirs de maïs et de Cajanus cajan. L’association MME a été l’option préférée des propriétaires terriens, des lettrés et des membres d’organisations paysannes. Chez les femmes, l’option privilégiée a été l’association MM compte tenu de leurs faibles ressources financières mais aussi de leur insécurité foncière. Chez les locataires des terres et les producteurs illettrés, l’option favorite a été l’association MMCE qui permettait le maintien de la seconde saison de culture. L’évaluation des différentes options a montré que l’association MME et l’option MHF ont été jugées par la majorité des catégories de producteurs comme ayant les effets les plus positifs sur les ressources agropastorales. Les associations MME et MMCE ont été considérées comme étant les plus acceptables socialement, notamment chez les propriétaires terriens mais aussi chez les vulgarisateurs, les consommateurs et les commerçants également interrogés ; venait ensuite l’option MHF. La rentabilité a été la meilleure pour les associations MM et MME et la plus faible pour les deux autres alternatives proposées par la recherche. Cette méthode d’évaluation permet de valoriser l’expertise des producteurs. Elle repose sur la perception que les producteurs ont des effets des technologies. Une perception positive constitue un des premiers facteurs d’adoption d’une proposition de la recherche. Mais pour cela du temps et des outils appropriés doivent être consacrés à l’étape de formation des producteurs sur les différentes options pour que cette perception ne soit pas biaisée par la qualité de l’information donnée par le chercheur. Cette évaluation permet en outre d’identifier ou d’adapter des variantes locales aux options pré-identifiées par les chercheurs. Les efforts de recherche-développement doivent se concentrer sur les processus de ces adaptations participatives.