Dans certains textes taoïstes et des sources liées à la cosmologie classique, la « forme » (xing) est représentée comme étant le seuil entre le Dao et les objets. Elle est non seulement considérée comme une étape ontologique et cosmogonique se situant entre les « images » (xiang) et la matière (zhi), mais aussi comme le sanctuaire de l'esprit (shen). C'est à ce propos que l'appendice Xici au Yijing dit : « Ce qui est au-dessus de la forme s'appelle le Dao ; ce qui est au-dessous de la forme s'appelle l'objet ». D 'autres textes décrivent pareillement la forme comme une phase intermédiaire dans le processus ontologique allant du Sans-forme (wuxing) aux « dix mille êtres ». Parmi ces textes figure un apocryphe de la période Han sur le Yijing qui décrit ce processus comme se produisant en quatre étapes dans lesquelles la première est réprésentée par le chaos indifférencié (hunlun), tandis que les autres trois sont représentées respectivement par le souffle (qi), la forme, et la matière. A la fin de ce processus, la forme revêt encore son rôle d'intermédiaire en tant qu'à la fois contrepartie et sanctuaire de l'esprit. De cette façon, comme l 'indique le Huainan zi, la forme est, avec l 'esprit et le souffle, l'un des trois constituants principaux de la vie. Sur cette base, le neidan et d'autres traditions soutiennent que le lieu de la sublimation alchimique n 'est pas le corps matériel (ti) mais la « forme », et que c'est en dépassant cette forme qu'on atteint le Dao. Se différenciant de ces traditions, le neidan a formulé ses propres doctrines en puisant à d'autres sources anciennes. Un exemple est ce qu'on appelle la « libération de la forme » (xingjie). Cette notion apparaît pour la première fois dans un manuscrit de Mawangdui, le Shiwen (Dix questions), où l 'on dit que « ce qui coule dans la forme (liuxing) produit la vie ; mais lorsque par cet écoulement on engendre un corps [...], la mort se produit ». Le Shiwen distingue ainsi la forme du corps en disant que, si par l'engendrement de la forme, la vie se manifeste, c'est par l'engendrement du corps que la mort apparaît. Pour inverser cette séquence, l'on se doit de cultiver son souffle afin de remplir la forme grâce à « l'essence culminante du Ciel et de la Terre ». La personne qui est capable de faire ceci obtient la « libération de la forme ». En tant qu'exemple de « métamorphose » (bianhua), la « libération de la forme » est également associée à la « libération du cadavre » (ou « du corps mortel », shijie). La relation entre ces deux notions est explicite dans certaines sources taoïstes des Han et des Six Dynasties où la forme est l'objet de la sublimation après la mort. Dans la voie des Maîtres Célestes (Tianshi dao), le lieu indiqué pour cette purification post mortem est le Palais du Taiyin (Grande Obscurité), que le commentaire Xiang'er du Daode jing décrit comme « le palais où ceux qui ont accumulé le Dao subliment leur forme » avant d'obtenir une deuxième naissance (fusheng) après la mort. Dans le corpus Lingbao on trouve la description d'un rite permettant aux morts de sublimer leur forme dans la Grande Obscurité et leurs âmes célestes (hun) dans le palais méridional (Nangong). Après quelques années d'une telle sublimation du corps et de l 'âme, l'on revient à la vie. Pour les adeptes taoïstes du Shangqing ceci peut aussi être offert aux ancêtres par des pratiques de méditation. Grâce à ces pratiques, les ancêtres, baignés dans « l'eau du raffinage », peuvent sublimer leur forme avant de « recevoir un nouvel embryon ». La réalisation par le dépassement du corps constitue le concept fondamental de ces différents courants de pensée et de pratique. La « forme » fournit ainsi la médiation nécessaire dans ce processus vers la libération. Le neidan dans ce cas, comme dans beaucoup d'autres, hérite et développe des idées et des notions qui proviennent de divers contextes allant des textes taoïstes fondateurs, de la cosmologie, des traditions religieuses des Han et des Six Dynasties, jusqu 'aux pratiques du rituel et de la méditation.