La question se pose de savoir si la Justice est capable de réparer le tragique de l’histoire. François Dosse situe son analyse sur l’axe pragmatique de la préoccupation citoyenne exprimée par Ricœur, dès les premières lignes de La mémoire, l’histoire, l’oubli, lorsqu’il se dit troublé par le trop de mémoire ici et le trop d’oubli ailleurs. On assiste en effet à une judiciarisation progressive de la discipline historique. Elle se traduit par une inquiétante inflation mémorielle depuis la loi Gayssot de 1990. La fonction du juge et de l’historien a certes des points communs, comme l’a montré Marc Bloch dans Apologie pour l’histoire ou Carlo Ginzburg dans Le juge et l’historien. Le juge d’instruction peut s’apparenter à l’historien, mais pas celui du siège qui doit rendre un jugement. Cette emprise progressive de la justice sur le passé a pour effet pervers une tentative de sanctuarisation des questions historiques. Ricœur nous aide à repenser les relations entre justice, histoire et mémoire en distinguant et en articulant ces diverses dimensions par un travail de clarification des concepts. Il permet de mieux articuler la fonction judiciaire, le travail de mémoire et l’opération historiographique en respectant la validité de chacune de ces dimensions.