Avec les Sophistes, puis Platon et Aristote, les grands philosophes de l’Antiquité classique ont démontré un intérêt marqué pour la question du langage, que ce soit dans ses parties constitutives ou dans sa dimension pragmatique. En revanche, les traces d’une réflexion explicite remontant aux corpus archaïques sont, elles, plus diffuses. Dans le cadre de mon article, scindé en deux parties, je proposerai, tout d’abord, une présentation synthétique des fragments explicites d’Héraclite d’Éphèse – lesquels reposent sur le lexique du λόγος et de l’ὄνομα –, avant que de plonger dans l’analyse détaillée de trois séquences implicites – à savoir B25, B48 et B121 –, ce afin de démontrer que, (1) d’une part, il existe, chez ce penseur archaïque, une perception plus ou moins aiguë des structures de la langue, que (2), d’autre part, celle-ci se déploie chez lui non pas en une réflexion autonome, mais au travers même de l’usage pratique qui en est fait et que (3), finalement, cette réflexion enclose dans son objet se révèle au moins aussi intéressante que celle reposant sur le vocabulaire précité. La lecture ciblée de ces séquences permettra de démontrer que, dans une époque antérieure aux grandes formalisations des philosophes et des grammairiens grecs, les structures éminemment complexes mises en place par le poète suggèrent, et parfois démontrent, une compréhension profonde de l’unité de la langue comme organe coordonné et des articulations qui la composent.