La décennie qui commence verra sans doute les Etats-Unis et l'Union Soviétique (d'abord via les pourparlers sur la limitation des armes stratégiques) tenter de réaliser un nouveau rapport stratégique tenant compte des innovations technologiques et de l'évolution des diverses conceptions au cours des dernières années. A ce sujet, l'article examine trois développements possibles.Le premier, axé sur la défense, intégrerait une partie de la nouvelle technologie, les missiles ABM, et rétablirait la cohérence entre techniques et conception de la stratégic par l'adoption d'une nouvelle philosophie dans laquelle la stabilité serait maintenue non pas, comme c'est le cas actuellement, par la menace de représailles massives mais par le développement du potentiel défensif et par le gel et éventuellement la réduction des offensives, au point que les systèmes défensifs deviendraient dans le futur étroitement perméables, de manière à prévenir ces offensives. Le deuxième développement, misant à fond sur la dissuasion, incorporerait la nouvelle technologie, les missiles ABM et MIRV, à la conception stratégique actuelle et pourrait conduire au désastre puisque les deux systèmes offensifs, vu leurs progrès prévisibles dans les prochains dix ans, lieraient les possibilités de désarmement de leurs détenteurs à la résistance de l'adversaire et entraîneraient vraisemblablement une course progressive aux armements. Le troisième arrangement, pour éviter une telle alternative, optant pour la dissuasion limitée, tendrait à maintenir la stabilité par la mise au ban des missiles ABM et MIRV.De ces trois arrangements, le premier, dans la mesure où il tente de réorienter une stabilité stratégique non plus basée sur la menace mais sur la protection des populations civiles, semble le plus intéressant mais aussi le plus improbable. Le troisième, bien qu'il institutionnalise la paix par la terreur mutuelle, a le mérite de ne pas postuler sa mise à l'épreuve, mais son adoption est liée à une peu vraisemblable proscription des nouveaux engins, dont les MIRV en particulier. Criticable à tout point de vue, sauf en cas d'évidence non seulement d'une implacable hostilité mais encore d'une intention agressive marquée de la part de l'adversaire, le deuxième arrangement semble pourtant devoir être adopté par le gouvernement des Etats-Unis.