Alors que la place des populations locales dans la conservation de l’environnement est largement etudiee et discutee, en pratique l’expression « conservation-communautaire » regroupe une multitude de projets allant d’une dynamique top-down institutionnalisee a une dynamique bottom-up fonctionnant par essai-erreur. Avec la conservation, de nouveaux acteurs apparaissent, des messages diffusent, chacun s’appropriant les idees circulantes a sa maniere. Dans le cadre d’une etude interdisciplinaire centree sur les interactions entre bonobos, humains et habitats dans un espace de conservation communautaire initiee par l’ONG locale Mbou-Mon-Tour dans le Territoire de Bolobo (Republique Democratique du Congo), nous nous sommes interesses aux evolutions du statut du bonobo, animal de normes (au sens de regles edictees par des autorites publiques), animal support de developpement economique et animal objet de savoirs locaux et scientifiques. Alors que le respect de l’interdit alimentaire local s’amenuisait, le projet de conservation communautaire a renforce cet interdit en associant a la coutume locale – le bonobo est un humain ayant fui en foret en raison de dettes impayees, il est porteur de malchance – les lois nationales et internationales et en creant localement de nouvelles normes (forets de protections communautaires). La conservation du bonobo est utilisee en tant que moteur de developpement. Le bonobo efface ses dettes vis-a-vis de la communaute humaine et devient porteur d’un espoir local, « le diamant de Bolobo ». Les interactions entre les differents acteurs entrainent aussi une hybridation des savoirs locaux et scientifiques, participant a l’evolution des savoirs des uns et des autres. Ces resultats preliminaires concernant les modifications des statuts du bonobo sont probablement un des signes de changements plus profonds. Notre implication locale, a la fois dans la conservation et dans la recherche scientifique centree sur le bonobo rend difficile une analyse plus poussee des jeux d’acteurs. En revanche, dans la suite, une etude par un anthropologue de la conservation permettrait de completer cette premiere analyse pour faire ressortir les lieux de conflits et de tensions ainsi que les lieux de collaborations engendres par cette dynamique de conservation.