Abstract

Un monument idéologique comme l’Arc de l’Étoile, voulu par Napoléon, détesté puis continué par la Restauration, achevé par la monarchie de Juillet, et réutilisé par la République, est à même de susciter des émotions inédites fondées sur les sentiments politiques : leur violence est caractéristique du XIXe siècle, période d’âpres luttes sur la question de ce que devait être la nation et son système politique. Comme l’édifice représentait la nation, les émotions ressenties par la population reflétaient ces questions politiques. D’abord, la fierté nationale constitue l’émotion officielle suscitée par le monument, né à la suite des victoires françaises de la Révolution et de l’Empire, quand Napoléon choisit de construire l’Arc en l’honneur de la Grande Armée. Les luttes politiques et les défaites de la France en 1815, 1871 et 1940 éveillèrent des sentiments d’humiliation et d’exaltation nationalistes envers l’Arc. L’émotion patriotique était tiraillée entre le sentiment révolutionnaire et démocratique, aux origines de l’Arc, et la connotation césariste de l’arc triomphal antique, qui était né républicain mais devint également impérialiste. Plus le monument était utilisé de manière collective, plus il suscitait d’émotions. Comme monument public, l’Arc déploie une scène théâtrale pour des rituels générant des émotions collective dans un registre patriotique. Ce ne fut pas avant la IIIe République – et particulièrement tard sous la République (surtout après 1914) –, qu’il fut investi matériellement et idéologiquement d’une manière collective (funérailles de Victor Hugo, fête nationale du 14 juillet, commémoration du 11 novembre et hommage au Soldat inconnu). Cette nature collective des émotions ressenties face à l’Arc firent de l’édifice une valeur davantage partagée, l’intégrant au patrimoine national. La forme architecturale de l’édifice créa aussi des émotions, liées à la théorie du sublime : ses proportions colossales le plaçaient dans cette quête de sensations inédites grâce à de nouveaux styles et modèles, héritiers du retour aux sources antiques. Même s’il est un monument de la tradition classique, l’émotion sublime qu’il transmet ne fut pas affaiblie sous l’effet des critiques du mouvement moderniste et des avant-gardes contre les modèles classiques.

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