Abstract

Poor Numbers de Morten Jerven met en lumière l'extrême fragilité des statistiques africaines, elle-même liée à la précarité des conditions de production des agrégats. Lacunaire et problématique, le chiffre est pourtant omniprésent comme outil de preuve et de gouvernement. Des fictions quantifiées prennent alors forme au sein d'une chaîne statistique complexe allant des producteurs aux économistes usagers du chiffre, et médiée par des organisations internationales. Focalisé sur le critère de l'exactitude des statistiques, Poor Numbers porte haut et fort le message du «garbage in, garbage out» mais laisse en suspens d'importantes questions liées à la pertinence des statistiques. L'histoire, la sociologie et l'économie politique du chiffre que M. Jerven esquisse mériteraient d'être approfondies: il s'agirait de préciser le lien entre l'évolution des formes de l'État et de la statistique, de déployer une ethnographie historique des organisations productrices et usagères du chiffre, d'appréhender le rôle grandissant des firmes multinationales dans l'économie politique des statistiques, d'exercer un regard moins irénique sur l'action des organisations internationales et, enfin, de dénaturaliser les catégories économiques dominantes en intégrant la pluralité des approches économiques des statistiques. Cet essai critique se conclut par un appel à une économie politique comparative du chiffre pour décloisonner le cas africain et éviter que s'installe l'idée d'une Afrique qui ne serait pas entrée, ou serait entrée «par erreur», dans l'histoire statistique.

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