Abstract
Il s’agit dans cet article d’analyser le travail de désingularisation relative de l’événement que Ricœur opère par couplage avec le récit dans Temps et récit au début des années 1980, puis la reprise de la question de la singularité et de l’unicité de l’événement dans La mémoire, l’histoire, l’oubli (paru en 2000) dans le cadre théorique recomposé de la représentation historienne mise à l’épreuve de “l’événement aux limites” qu’est la Shoah. Dans Temps et récit Ricœur entend dépasser, par l’entrecroisement entre histoire et fiction appliqué à des événements fondateurs d’identité collective comme la Shoah, l’aporie épistémologique de la dichotomie entre une histoire qui dissout l’événement dans l’explication et une attitude purement émotionnelle face aux événements à intensité éthique considérable. Cette narrativisation de l’événement se heurte cependant à la puissance traumatique de l’extra-textuel radical de l’événement-Shoah qui constitue ainsi un défi pour la représentation historienne du passé. C’est cette question que Ricœur reprend dans La mémoire, l’histoire, l’oubli, mais cette fois-ci cet examen a été largement reconfiguré par la dialectique de la mémoire et de l’histoire contribuant à la représentation du passé. Tout en distinguant l’incomparabilité absolue au plan moral de la Shoah et l’incomparabilité relative (c’est-à-dire la comparabilité possible) sur le plan historiographique, Ricœur maintient que l’enchevêtrement entre jugement historiographique et jugement moral est inévitable, ouvrant ainsi sur la grande question de la responsabilité sociale, politique et éthique de l’historien.
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