Abstract

Dans cet article, j'essaie d'établir la signification des pratiques ésotériques bouddhiques - tout particulièrement celles construites autour de la récitation et de la psalmodie des mantras - dans le contexte socio-culturel du début et du milieu de l'époque Kamakura (1185-1333). Contrairement à la croyance persistante en un déclin du bouddhisme ésotérique (jp. mikkyō) coïncidant avec celui du régime aristocratique à la fin de l 'époque Heian, celui-ci continua à occuper la place centrale dans le bouddhisme japonais de l'époque médiévale. Dans les domaines politiques et économiques, toutes les écoles bouddhiques qui dominèrent la société japonaise des débuts de l'époque médiévale - ainsi les Six Ecoles de Nara, le Shingon et le Tendai, avaient comme marque de fabrique la pratique conjointe d'exercices exotériques (jp. ken) et ésotériques (jp. mitsu). C'est pourquoi on parle de ces écoles en utilisant le terme kenmitsu (bouddhisme exo-ésotérique). Au sein de ces milieux cléricaux, l'ésotérisme joua un rôle indirect pour le développement de dimensions nouvelles dans les diverses écoles. Parmi ces dimensions nouvelles, on peut mentionner l'intégration des kami - les divinités indigènes japonaises - dans le panthéon bouddhique, la production de théories littéraires et esthétiques proprement ésotériques, et la mise au point de nouvelles technologies en médecine, en génie civil, en administration politique et en stratégie militaire. En procédant ainsi, le bouddhisme ésotérique se révéla profondément différent de son homologue de l 'époque Heian et il évolua pour devenir une religion manifestement médiévale. Dans les pages qui suivent, mon attention se concentre sur Myōe et Eizon, peut-être les deux figures les plus célèbres du bouddhisme dit kenmitsu. Ils furent des pionniers dans le parti de ceux qui songeaient à des réformes au sein de l'establishment bouddhique médiéval. Myōe est célèbre pour son travail qui conduisit à la réhabilitation de l'école de l'Ornementation Fleurie - le Kegon, et Eizon pour sa reconstruction du Saidai-ji, l'un des sept grands monastères de Nara, ainsi que pour le rétablissement de la tradition des règles bouddhique dans ce monastère. Toutefois, on oublie souvent que Myōe et Eizon étaient des pratiquants assidus du bouddhisme ésotérique. Cette pratique leur était essentielle dans leurs efforts pour élaborer de nouvelles formes de pratique considérées nécessaires pour le salut des êtres à leur époque. Je décris ici les rituels exo-ésotériques qu'ils employèrent comme correctifs efficaces à la dégénérescence morale grandissante au sein du clergé bouddhique. J'illustre les caractéristiques de leurs pratiques rituelles en ayant à l'esprit divers éléments socio-culturels cruciaux qui influencèrent le cours de leurs activités. Ces éléments incluent la transformation médiévale de l'idée de kegare - ou souillure - l'intégration radicale des kami au sein de la cosmologie bouddhique, et la réapparition de l'ordre des moniales et du système des couvents. Je conclus par une suggestion. Chez Myōe et Eizon, l'usage unique des mantras et des rituels ésotériques qui leur sont associés — notamment la conception du mantra comme manifestation féminine de l'Eveil bouddhique, leur a, d'un côté, permis de mettre en application de manière stricte les règles bouddhiques parmi leurs fidèles et, d'un autre, de faire passer les enseignements du bouddhisme auprès des catégories défavorisées et discriminées de la société médiévale - catégories exclues jusqu 'alors du discours bouddhique sur le salut.

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