Abstract

De tous les problèmes conçus par la théorie de la décision, le paradoxe d’Allais est peut-être celui qui aura suscité l’intérêt le plus persistant. La théorie y a consacré assez de travaux techniques remarquables pour qu’il soit désormais possible à l’histoire et à la philosophie des sciences de l’examiner réflexivement. Dans sa partie historique, l’article restitue le contexte d’apparition du paradoxe – le colloque de Paris, en 1952, auquel assistaient les principaux théoriciens de la décision du moment. L’axiomatique de von Neumann et Morgenstern en 1947 leur avait donné des raisons nouvelles d’approuver l’hypothèse de l’utilité attendue, et le contre-exemple d’Allais visait précisément à ébranler leur conviction. Les questions de la controverse étaient de type normatif, mais elles se perdirent quand le « paradoxe d’Allais » gagna tardivement la célébrité dans les travaux des années 1980. Ceux-ci le traitèrent comme une simple réfutation empirique et ils en firent l’enjeu de « théories de l’utilité non espérée » qu’ils développaient de même sous le seul angle empirique. Dans sa partie philosophique, l’article cherche à évaluer ce déplacement d’interprétation. D’un certain côté, les théoriciens de la décision firent bien de libérer leur travail expérimental des complications du normatif, car ils parvinrent ainsi à des résultats éclairants : l’hypothèse de l’utilité espérée était empiriquement réfutée, la responsabilité principale en revenait à l’axiome d’indépendance de von Neumann-Morgenstern, et l’étape suivante était de transformer adéquatement cet axiome. D’un autre côté, ils eurent tort de négliger un trait fondamental de leur domaine : les comportements observés ne sont informatifs que si les agents sont prêts à les assumer de manière réfléchie, c’est-à-dire à leur prêter une certaine valeur normative. D’après la reconstruction proposée ici, Allais ne voulait faire porter les expériences de choix que sur des sujets rationnels, ou bien sélectionnés au départ, ou bien révélés comme tels par l’expérience. L’article développe ces intuitions en revenant aux travaux des années 1970, aujourd’hui très peu connus, qui, sous l’influence d’Allais, proposèrent des traductions expérimentales de la rationalité, et il invite finalement la théorie de la décision à diversifier ses méthodes en s’inspirant de ces tentatives originales.

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