Abstract
La fracturation osseuse est une pratique couramment observée sur les gisements paléolithiques, celle-ci intervenant dans diverses chaînes opératoires de transformation et d’utilisation des ressources animales, notamment alimentaires. La moelle osseuse, contenue dans la cavité médullaire des os longs, est une ressource alimentaire non négligeable pour de nombreux groupes humains, en particulier dans les zones périglaciaires, tels les Nunamiuts d’Alaska ou les Koriaks de Sibérie. Différents procédés sont mis en oeuvre pour sa récupération ; leur variabilité s’explique en partie par l’existence de traditions techniques et de modes de consommation de la moelle, propres aux différents groupes. Ces traditions entraînent souvent une standardisation des procédés de fracturation à l’intérieur de chaque groupe. De tels schémas récurrents sont-ils perceptibles dans le registre paléolithique ? Si oui, est-il possible de mettre en évidence une transmission des gestes relatifs à la récupération de la moelle ? Afin d’apporter des éléments de réponse à ces questions nous proposons dans le cadre de cet article, une étude détaillée des traces de percussion observées sur les os longs d’antilope saïga (Saiga tatarica), provenant de l’ensemble supérieur Magdalénien moyen de Saint-Germain-la-Rivière (Gironde). Les schémas observés ont ensuite été comparés à ceux décrits dans la littérature afin d’apprécier leurs spécificités et de discuter des paramètres ayant pu influer sur cette répartition des traces. Les vestiges fauniques de Saint-Germain-la-Rivière sont intensément fracturés et présentent de nombreuses traces de percussion d’origine anthropique attribuables à cette activité de fracturation de l’os. Des récurrences dans la localisation des traces de percussion ont pu être mises en évidence. Celles-ci varient selon les éléments squelettiques considérés et sont plus ou moins marquées. L’existence de telles récurrences tend à prouver que la disposition des points d’impact dépend d’un choix délibéré. Ces choix ne semblent pas être dictés exclusivement par l’existence de contraintes mécaniques (e. g. la structure osseuse) ou ergonomiques spécifiques aux éléments squelettiques. Par ailleurs, l’existence d’une variabilité inter-et intra-spécifique, observable d''après les données de la littérature laisse à penser qu’il s’agit de choix dictés en partie par un facteur culturel. L’analyse des traces de percussion a également permis de mettre en évidence, dans certains cas, la présence de plusieurs points d’impact sur une surface réduite. L’une des hypothèses que l’on peut émettre ici serait qu’il y ait eu plusieurs tentatives pour fracturer l’os. Ces pièces posent alors la question de l’acharnement et de la maîtrise du geste et pourraient évoquer des os fracturés par des novices.
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