Abstract

À l’occasion de l’Indépendance du Pérou, les champions de la nation d’origine créole ont érigé l’Indien étatique inca en ancêtre présentable, éliminant ainsi l’historicité amérindienne de la population. Les restes archéologiques viennent appuyer alors une idéologie indigéniste qui ignore l’Indien sociologique, considéré comme ontologiquement inférieur. Aujourd’hui ces vestiges incas contribuent à construire le roman national : le culte solaire inca est ainsi réinventé sur le site de Sacsayhuaman. Dans quelle mesure les travaux des archéologues peuvent-ils servir d’argument à des idéologies partisanes? Les présidents des Républiques péruvienne et bolivienne ont été intronisés comme souverains préhispaniques, le premier sur le site inca de Machu Picchu, le second à la porte du Soleil de Tiwanaku. Dans quelle mesure les vestiges d’une civilisation peuvent-ils être instrumentalisés par la politique? Désormais les sites incas sont investis par des mystiques venus des États-Unis et d’Europe sous la conduite de néo-chamanes locaux. Ils sont en effet réputés contenir de l’ « énergie » positive. Celle-ci est exploitée par des agences de tourisme mystique. Dans quelle mesure le patrimoine de la nation, entretenu par les services publics, peut-il faire l’objet de profits privés, d’idéologies parfois sectaires et de dommages irréparables? Dans la culture des communautés andines traditionnelles, les ruines préhispaniques avaient une fonction classificatoire et symbolique. Celle-ci disparaît quand le lieu du mythe est remplacé par des sites historiques. Comment respecter la perception indigène des vestiges archéologiques? Tels sont les questions éthiques que cet article entend poser à partir de cas précis et concrets de sites archéologiques sur lesquels l’auteur a mené des enquêtes.

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