Abstract
Les relations entre les Mahorais et l’abeille mellifère (A. m. unicolor) sont peu documentées bien que le miel soit, comme dans de nombreuses régions du monde, un produit recherché pour ses bienfaits et ses propriétés médicinales. Dans la religion musulmane, très largement majoritaire à Mayotte, le miel est appréhendé comme une substance de différentes couleurs qui apporte la guérison (Sourate 16, An-Nahl, v. 69). L’identité multiculturelle de l’archipel et l’évolution récente de la société questionnent la place qu’occupe cet insecte dans les représentations sociales, religieuses et les pratiques sociales. Les témoignages recueillis lors d’entretiens semi-directifs (35) indiquent combien, à Mayotte, les abeilles sont valorisées en raison des services qu’elles rendent à l’homme. Le sentiment d’un net recul de l’utilisation du miel dans les foyers est cependant unanime. Cela procéderait autant d’une évolution dans les représentations et les pratiques locales que d’une difficulté croissante à se procurer un miel authentique. C’est sans doute aussi pourquoi la cueillette du miel en forêt reste un marqueur identitaire dans la culture mahoraise. Plus surprenant, un autre produit a été évoqué lors des entretiens, il s’agit du couvain ouvert. À la différence du miel, un clivage fort apparaît dans les opinions, il dépasse les générations. Pour les uns, consommer des larves et des nymphes d’abeilles suscite le dégoût ou laisse le sentiment d’un « gaspillage » puisque l’on prive la colonie de futures ouvrières. Pour d’autres personnes interrogées, le couvain ouvert est un aliment exceptionnel devenu très rare. Encore récemment, une manière simple de s’affranchir de la cueillette en forêt était de réussir à piéger un essaim dans son champ et à conserver les colonies d’abeilles le plus longtemps possible. La propension d’A. m. unicolor à déserter les cavités d’arbres champêtres, obligeait leurs propriétaires à une collecte parcimonieuse de miel et à éviter le prélèvement du couvain. À Mayotte, l’abeille mellifère reste perçue comme un animal sauvage, d’où le regard incrédule, voire suspicieux, jeté sur le développement de l’apiculture moderne dans l’archipel. Certaines personnes rencontrées, les plus jeunes souvent, s’inquiètent des conséquences de l’élevage sur le comportement de l’insecte, quand d’autres s’interrogent sur la qualité du miel produit dans des ruches à cadres mobiles.
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