Abstract
Le Japon est le premier producteur mondial de jeux vidéo « à l’eau de rose ». Ces jeux de simulation amoureuse présentent une caractéristique curieuse : théoriquement, ils assignent la femme à la tache unique de séduire un personnage masculin, mais, dans les faits, ils favorisent la mise en place d’un réseau d’amitié entre femmes. C’est de ce réseau – tissé à la fois dans le jeu et dans la vraie vie – que dépend le succès en amour. M’appuyant sur l’analyse de cette double dynamique, contradictoire en apparence, j’aimerais proposer l’hypothèse suivante : que les jeux permettent de « déjouer » les mécaniques sociales de l’injonction. Ces jeux nommés otome games s’inscrivent en effet, de façon significative, dans le contexte d’une panique nationale liée au déclin de la fécondité : ils visent le marché très porteur des nouvelles générations de femmes qui – vivant seules ou chez leur parents – sont tenues pour responsables de la faillite à venir du système. Elles ne fondent pas de foyer. Elles n’ont pas d’enfant. Comment parviennent-elles à conjurer l’exclusion ? L’étude portera sur les stratégies collectivement mises au point pour faire des otome games un outil de construction identitaire, favorisant l’amitié entre joueuses comme moyen d’entrer en résistance.
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