Abstract
Dans cet article, nous mettons en perspective des témoignages d’auteurs de violences de masse ayant sévi dans des contextes socio-historiques bien distincts, mais qui ont cela en commun qu’ils proviennent tous de situations extra-judiciaires, souvent carcérales, et prennent la forme de conversations avec des journalistes ou des codétenus. En premier lieu, nous donnerons à voir les enjeux de pouvoir qui caractérisent de telles situations d'interaction, ainsi que les stratégies déployées pour faire sortir ces "vétérans" de leur discours de façade et les faire revenir sur leurs violences. Dans un second temps, nous nous penchons sur ce qui, dans des documents de ce type, pourrait nous donner un accès privilégié à la question de la morale dans la violence de masse. À cette fin, on s'arrêtera sur des moments de discussion durant lesquels ces derniers réagissent vivement et s'offusquent, alors que de l'autre côté, ils acceptent le plus souvent le bien-fondé des violences qu'ils ont commises. Nous nous concentrons ici sur une thématique d'indignation qui revient dans les deux contextes et concerne le rapport à l'argent et à la gestion des ressources dans l’exercice de leurs fonctions.
Highlights
Cet article interroge et explore des témoignages de participants directs à des violences de masse qui ont été produits postérieurement à la chute du régime dans lequel ils ont sévi
Si ces prises de parole font référence à des configurations sociohistoriques de violences extrêmes et étatiques bien distinctes, elles partagent cette caractéristique de sortir du cadre juridique et de provenir de situations de dialogue
D’une toute autre manière, le journaliste Horacio Verbitsky doit également rappeler au capitaine vétéran Scilingo, non sans une once d'ironie, les conditions de liberté qui régissent leur interaction dans son salon, au moment où le militaire à la retraite en vient à parler en détail des exactions qui étaient commises dans le centre de détention où il travaillait
Summary
Cet article interroge et explore des témoignages de participants directs à des violences de masse qui ont été produits postérieurement à la chute du régime dans lequel ils ont sévi. Trois des situations de dialogue étudiées dans cet article se rapportent à l’Allemagne nazie, deux à la dictature de la Junte Militaire en Argentine et une à la dictature de Pinochet au Chili. On retrouve dans ce cas celui de ces hauts-gradés de la Wehrmacht mis sous écoute alors qu'ils étaient détenus dans des prisons anglaises en 1944 (Neitzel, 2010 ; Neitzel et Welzer, 2013) ou celui du résistant polonais Kazimierz Moczarski qui a restitué de manière scrupuleuse et pénétrante les longs mois qu’il a passés en cellule avec l’officier SS Jürgen Stroop de mars à novembre 1949 (Moczarski, 2011), ces deux écrits faisant partie de nos sources pour cet article. En dehors du cas Stroop, les trois autres sources étudiées dans la première partie de cet article sont des ouvrages rédigés par des journalistes et composés d’extraits de leurs entretiens. À cette série de dialogues, s’ajoute encore celui produit par la journaliste chilienne Nancy Guzmán dans une prison de haute-sécurité de Santiago avec le tortionnaire Osvaldo Romo qui a sévi dans le centre de détention situé à la Villa Grimaldi entre 1974 et 1976
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