Abstract

Résumé Bien que partant d’un niveau similaire de productivité et de PIB par tête au milieu du XIX e siècle, l’Europe s’est régulièrement éloignée de la frontière américaine, jusqu’à ce que sa productivité et son PIB par tête ne soit plus que la moitié du niveau américain en 1950. Le vigoureux rattrapage engagé par la suite a certes abouti à une quasi-convergence de la productivité européenne, mais celle du PIB par tête reste incomplète, le niveau de vie européen ne correspondant qu’aux trois quarts du niveau américain. L’analyse de deux siècles de croissance économique comparée entre l’Europe et les États-Unis peut donc se résumer en une question : comment l’Europe peut-elle être aujourd’hui si productive tout en étant si pauvre, et ce même lorsque l’on raisonne en termes de bien-être ? En appliquant à l’Europe une grille de lecture calibrée sur les avantages dont ont bénéficié les États-Unis depuis leur début, il est possible de proposer une nouvelle interprétation du processus de convergence de l’Europe. Cette liste d’avantages est longue et deux critères sont croisés : les avantages tirés de l’union politique des États-Unis et ceux qui en sont indépendants, les avantages réversibles de ceux qui ne le sont pas. Par exemple, l’abondance en ressources naturelles a été pour les États-Unis un avantage énorme, issu de l’unité politique, mais qui s’est résorbé avec la mondialisation commerciale et un certain gaspillage. En revanche, les États-Unis ont toujours pu compter sur leur marché intérieur unique et la mobilité de la main d’œuvre, conséquences directes de l’unité politique ; sur leur leadership dans les techniques de production et de commercialisation de masse, conséquence de l’unicité du marché intérieur et de l’existence de grands espaces ; ainsi que sur l’efficacité de la collaboration entre les universités, le gouvernement et l’industrie. Le dynamisme exercé par la découverte d’un nouveau continent, l’ascension autonome du « système manufacturier américain », l’interventionnisme du gouvernement sont autant de facteurs qui ont également joué en faveur des États-Unis, mais qui ont disparu avec le temps, l’intensification de la concurrence et les changements de doctrines (État providence contre rôle minimaliste du gouvernement, protectionnisme contre libre-échangisme). Une des principales conclusions est que, mêmes d’hypothétiques États Unis d’Europe, constitués dès 1870, n’auraient pu faire aussi bien que les États-Unis. Les incitations à la substitution du capital au travail étaient plus fortes aux États-Unis. L’Europe ne pouvait simplement dupliquer, même avec quarante ans de décalage, les succès américains, en particulier l’exploitation des grandes inventions de la fin du XIX e siècle (électricité et moteur à combustion). Une certaine érosion des avantages américains, combinée à la forte baisse du volume de travail au cours des quarante dernières années, explique le dynamisme des gains de productivité européens sur cette période (supérieurs d’ailleurs à ceux des États-Unis) et le rattrapage du niveau américain de productivité. Que cette forte baisse des heures travaillées résulte de congés payés plus longs, d’un taux de chômage plus élevé et d’un taux de participation plus faible explique le tassement de la convergence du PIB par tête européen. Plus récemment, que l’Europe n’ait pas fait l’expérience, comme les États-Unis, d’un sursaut de sa productivité grâce à la diffusion des technologies de l’information et de la communication, n’est pas synonyme d’un nouvel échec. La contribution de ces TIC a vraisemblablement était exagérée aux États-Unis. L’Europe doit trouver sa propre voie, et, qui sait, à l’horizon de dix ans, ce seront peut-être les États-Unis qui chercheront à percer les secrets de « l’avantage européen ».

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