Abstract

Cet article considère la caricature en tant que dispositif icono-verbal qui mobilise des codes culturels partagés. Il montre qu’au XIXe siècle, la caricature visuelle (ici Daumier et Gavarni) comme la caricature textuelle (ici Balzac, Baudelaire, Stendhal, Musset, Flaubert, Huysmans) sont pensées sur le modèle de la scène théâtrale qui joue des riches possibilités offertes par la combinatoire du texte et de l'image au cœur des mécanismes comiques.
 En effet, invalidant le constat d'un primat de l’image sur le texte (position de Charles Baudelaire) ou inversement du texte sur l’image (position de Roland Barthes), cet article rappelle que le visuel et le textuel assument des rôles fluides et qu’ils se complètent. À ce titre, la consonance ou dissonance entre l'image et son titre/sa légende sont deux types de rapports qui concourent à la naissance du rire comme à la richesse sémantique de la caricature.
 Cette vision d’un rire procédant avant tout de mécanismes formels pourrait tendre à faire croire que l'évaluation des systèmes de valeur mobilisés est superflue. L'important serait de comprendre et d'analyser, pas de juger. Contre une telle prétention, cet article soutient la nécessité d’ajouter à l'analyse formelle d'une œuvre dans son contexte historique un positionnement éthique face à ses implications idéologiques explicites et implicites.

Highlights

  • Au XIXe siècle, la caricature visuelle comme la caricature textuelle sont pensées sur le modèle du théâtre, ce qui favorise leur rapprochement

  • De Balzac jusqu ’à Huysmans, de nombreux écrivains ont associé aux répliques ampoulées et aux opinions bourgeoises de Prudhomme sa description physique, visant à supplanter le dessin par la plume

  • Dans le cas particulier de la caricature, notre rire doit être réévalué, sous peine de reconduire sans recul les systèmes de valeurs pris en charge, notamment le sexisme que la caricature diffuse souvent au XIXe siècle comme aujourd ’hui

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Summary

Introduction

Au XIXe siècle, la caricature visuelle comme la caricature textuelle sont pensées sur le modèle du théâtre, ce qui favorise leur rapprochement. Outre que les écrivains du XIXe siècle ont fait leur les stratégies éditoriales de la presse satirique ou de l ’éditeur d ’albums (Guinand, 2020b), nous pouvons noter que les contextes médiatiques des caricatures visuelles sont eux-mêmes très divers : La Caricature n ’est pas L ’Album des familles. Alors que les contextes référentiels et médiatiques varient, le dispositif de la caricature visuelle comme textuelle reste toujours sensiblement le même : une image-description favorisant certains procédés rhétoriques (exagération, réduction, animalisation, etc.) est accompagnée d ’une légende sous forme de titre, dialogue ou commentaire. Pour former ce dispositif icono-textuel, l ’image-description et la légende-titre/dialogue/ commentaire sont conçus pour susciter un effet comique autant par eux-mêmes que dans leur articulation, articulation qui est encore relativement peu étudiée et sur laquelle nous nous proposons ici de donner quelques éclairages théoriques. Nous verrons que si le dispositif icono-textuel suffit en luimême à faire naître le rire, cette mécanique tend à reconduire certains stéréotypes idéologiques qu ’il importe de déconstruire

Au-delà de la binarité texte-image
Les couches idéologiques de la caricature
Conclusion
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