Les études anglo-saxonnes sur l’économie du feasting nous ont rendu attentifs à l’existence, dans des sociétés non-étatiques à organisation hiérarchisée ou stratifiée, de formes d’élevage dans lesquelles l’utilisation rituelle des principaux animaux domestiques joue un rôle central. Les travaux les plus marquants ont concerné essentiellement des sociétés sud-est asiatiques (Hayden, 2001, 2003 et 2009 ; Adams, 2016). Le cochon et le buffle y sont les principaux animaux domestiques. Ils sont considérés comme des bien rituels et ne sont abattus et consommés, sauf exception notable, qu’en contexte festif. Les choix en matière de gestion des cheptels sont conditionnés par la nécessité de satisfaire aux besoins du rituel. L’abattage est saisonnier et la consommation sur l’année est donc irrégulièrement répartie. Les animaux abattus lors des fêtes sont fournis pour partie par l’organisateur et pour partie par ses parents biologiques et ses affins. Si l’essentiel de la viande est consommé sur place, une partie significative fait cependant l’objet d’un partage et d’une consommation «décentralisée » . La circulation centripète des bêtes sur pied et la circulation centrifuge des parts de viande se fait selon les lignes de la parenté. Le rituel primant sur toute autre considération, certains aspects considérés ailleurs comme cruciaux ne jouent ici qu’un rôle secondaire. C’est le cas, par exemple, des contraintes liées à la reproduction des cheptels. Si les travaux ethnoarchéologiques cités nous livrent une bonne caractérisation générale de l’économie du feasting, ils n’évoquent que de manière indirecte les conséquences archéologiques de cette manière de concevoir le rôle des animaux domestiques. C’est cette lacune qui a motivé l’organisation de notre projet, dont l’un des objectifs est de mener une analyse détaillée de la circulation des bêtes sur pied et du circuit de la viande partagée dans le cadre de l’économie du feasting. Cet article présente une analyse détaillée d’une fête en particulier qui s’est déroulée en juin 2016 dans le village de Tarung (île de Sumba, Indonésie). Il débouche sur une amorce de réflexion épistémologique sur les conditions de production des interprétations dans le domaine de l’archéozoologie des sociétés de la Préhistoire récente.
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