Abstract

Gray écrivit peu et publia encore moins, si bien qu’on prit l’habitude, à partir du XIX e siècle, de le considérer comme un poète inhibé ; les tendances récentes de la critique n’y ont pas changé grand-chose, qui expliquent la minceur de son œuvre par l’influence tétanisante de Milton, par la conjoncture hostile que représentait la commercialisation du marché littéraire, ou encore par l’homophobie dominante de son temps. Pourtant le prestige de Gray, à la fin du XVIII e siècle, était énorme, et il n’a jamais été complètement négligé depuis. Le présent article s’efforce de rendre compte de cette situation paradoxale dans l’histoire littéraire, à travers trois aspects de son œuvre : d’abord, l’exacerbation d’une certaine exigence classique chez Gray, qui lui fit rechercher le rare ou le neuf en même temps que le bon goût ; ensuite, l’impact de l’épistémologie empiriste développée par Locke, qui se traduit par le relief accru de la sensation, dans son ambiguïté et son intensité ; enfin, un soupçon de subversion politique qui tenait moins à des prises de position explicites qu’à certaines procédures lyriques, et qui pourrait expliquer pour une bonne part l’aura dont put jouir Gray aux yeux des réformistes et des radicaux des années 1780 et 90.

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