Abstract

Représenter les souffrances de la terre n'est pas aisé dans une culture occidentale qui s'est échinée à partitionner la réalité en sphères hermétiquement cloisonnées. Il y aurait un monde culturel, royaume des humains, et un monde naturel, peuplé de non-humains et de matière inerte et réifiée. Des paradigmes alternatifs, émanant de cultures ou d'ancrages spirituels différents, réfutent l'indépendance des deux sphères. A contrario, ils soulignent une relation d'interconnexion entre les humains et leur environnement, et illustrent le réenchantement de la nature, processus inverse du désenchantement provoqué selon Max Weber par la sécularisation du monde euro-américain à l'entrée dans l'ère industrielle. Notre article analyse la représentation du changement climatique dans deux romans états-uniens qui illustrent des ontologies de la nature et des spiritualités alternatives au modèle occidental moderne. Ceremony, publié par Leslie Marmon Silko en 1977, présente sous forme romanesque la mythologie des Pueblo Lagunas. The Fifth Sacred Thing, publié par Starhawk en 1993, constitue une mise en récit des principes philosophiques et spirituels du mouvement néo-païen. L'étude parallèle de ces romans met en lumière leur hybridité discursive commune : bien que les deux romans s'inscrivent dans des systèmes spirituels étrangers au christianisme, ils ont recours à la rhétorique apocalyptique, qu'ils conjuguent néanmoins à une reconnexion spirituelle de l'être humain avec l'environnement. Si cette hybridité révèle des épistémologies alternatives à la science pour mesurer le changement climatique, qui trouvent un terrain d'expression idéal dans la forme romanesque, elle induit néanmoins une complexité épistémologique et philosophique que nous tenterons ici de démêler.

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