Abstract

Cette analyse chronologique des romans de Toni Morrison jusque Paradise (paru en 1997) met en relief la réécriture par Toni Morrison de la Chute — « grand récit » américain et fondement d’une idéologie sexiste et raciste puissante— à travers un certain nombre de personnages féminins, tous à divers titres objet d’exclusion sociale. De Pecola, victime de la définition aliénante de la beauté par la communauté blanche, à Consolata, qui s’improvise grande prêtresse d’un nouvel Evangile féminin, la fiction de Morrison explore les conséquences psychologiques et spirituelles de la prééminence de ce « grand récit » afin d’en libérer la traditionnelle victime : la femme noire. Toutefois, loin de se réduire à cette entreprise de déconstruction, la fiction de Morrison ne semble s’opposer à la doctrine théologique que pour mieux sonder la validité ontologique de l’enseignement chrétien : remettant en question les présupposés théologiques en matière de définition de la femme, Morrison se pose aussi en autorité spirituelle capable d’élaborer son propre Evangile de Vie. Celui-ci se fonde sur des moments de révélation cathartique durant lesquels les personnages (le plus souvent féminins) retrouvent le lien essentiel à soi, aux autres et au monde dont la Chute marquait symboliquement la rupture. Variation féminine et africaine américaine sur le thème du « Royaume intérieur », les romans de Morrison s’approprient toujours davantage cet enseignement, perpétuant ainsi le caractère spirituel du combat féministe noir, dont le célèbre discours « Ain’t I A Woman ? » de Sojourner Truth reste un modèle.

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