Abstract
En 2004, l’histoire médiévale de la principauté de Moldavie s’est „enrichie” de plusieurs princes ou voïvodes qui auraient régné avant 1400, c’est-à-dire entre Bogdan Ier (1363–1367), le fondateur de la dynastie, et Alexandre le Bon (1400–1432). Là où jusqu’alors il y avait six princes régnants, on comptait maintenant onze – presque le double ! Les cinq nouveaux personnages avaient surgi des pages d’un manuscrit du XVIIIe siècle, œuvre d’un illustre homme de lettres et théologien, l’archimandrite Vartolomei Mazereanu. Suivant la suggestion du métropolite Iacob Ier de Putna (Putneanul), il avait pris l’initiative de mettre en ordre les archives de quelques monastères moldaves, en rédigeant des cartulaires (condici ou catastife) pour les documents, qu’il a traduits du slavon et a résumés dans ces registres. En même temps, il a refait les anciens obituaires (pomelnice) de ces monastères, opération qui, à son avis, devait supposer non seulement la traduction du slavon, mais aussi un autre arrangement des noms inscrits au cours des siècles et même la transformation des noms devenus inusuels pour les faire correspondre à ceux des Synaxaires de l’Église Orthodoxe Russe. Il va sans dire que l’archimandrite n’avait pas l’ambition de faire une œuvre scientifique, voire une édition critique de ces obituaires. Or, à travers les siècles, de très nombreux chrétiens avaient inscrit leurs noms dans ces obituaires sans observer aucune règle – entre les lignes, parmi les autres noms, dans n’importe quel chapitre (celui des princes, celui des hiérarques, des grands boyards, des moines etc.) établi par l’auteur de l’obituaire – c’est-à-dire, où il y avait une place libre. La transcription tale quale de tous ces noms, sans délimiter le texte primitif des additions ultérieures – qui, sans aucune mauvaise intention, ont quand même altéré profondément les inscriptions initiales – eut pour résultat un mélange dépourvu de toute valeur historique ou généalogique. Il faut accepter le caractère dynamique de l’obituaire, qui, en vertu de son but, permet aux utilisateurs de faire des additions sans tenir compte de place, même si lesdites additions ne s’accordent pas au contexte, dont elles peuvent changer essentiellement le sens. C’est le cas de l’obituaire refait par l’archimandrite Mazereanu, dont le texte primitif fut conçu en 1488, lorsque le prince de Moldavie, Etienne le Grand (1457–1504) transforma la fondation privée de Voroneţ en fondation princière et lui-même devint le nouveau ktitor. L’original slavon n’existe plus, donc toute discussion doit se rapporter à la traduction de 1775. Les cinq personnages qui semblent „compléter” la liste des princes moldaves du XIVe siècle portent des noms jamais utilisés dans la postérité de Bogdan Ier: Dobroslav, Şandre, Gheorghii, Micul et Săpot. Pour expliquer leur présence dans le chapitre réservé aux princes de Moldavie, on a accepté leur existence réelle en tant que membres de la dynastie et princes régnants. L’auteur rejette une telle hypothèse dépourvue de toute fondation documentaire et logique. Il faut également rejeter une autre possible explication, suggérée par la théorie – chère à certains historiens roumains – des „règnes parallèles” ou la persistance des „voïvodes locaux” (à Voroneţ, dans ce cas) après la fondation de l’État et dont les noms seraient inscrits dans un obituaire. Il n’y a aucune raison pour valider une telle théorie, car il serait incompréhensible qu’un prince de Moldavie (i. e. Etienne le Grand) accepte l’introduction de tels compétiteurs ou usurpateurs de sa dynastie dans l’obituaire de sa fondation, en obligeant, de cette manière, les moines de prier pour leurs âmes. D’ailleurs, il faut observer que l’archimandrite Mazereanu lui-même n’a pas utilisé cette „découverte” dans sa propre œuvre d’histoire moldave. La valeur et l’importance des anciens obituaires pour l’histoire et pour la généalogie sont unanimement reconnues par les spécialistes, on y trouve parfois des informations uniques et d’une portée spéciale (par exemple, les listes des boyards tombés sur le champ de bataille); mais pour mettre ces sources au service des études historiques et généalogiques il faut les soumettre d’abord à un examen critique afin d’établir la fiabilité des informations par rapport au coordonnées chronologiques du document de ce type, traduit ou copié quelques siècles après sa naissance. Dans le cas discuté, le manuscrit de 1775 est, sans doute, un document authentique, mais ses informations doivent susciter la réticence du chercheur qui connaît l’évolution habituelle des obituaires. Sans le moindre esprit critique et sans tenir compte ni de la personnalité de l’auteur-traducteur et de l’ensemble de son œuvre, ni de la spécificité de la source envisagée, on ne peut pas se fier à une telle source pour construire des théories historiques „révolutionnaires”.
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