Abstract
Proposer une synthèse sur la préhistoire d’un archipel et de ses assemblages lithiques n’est pas chose facile, d’une part à cause de l’immensité de l’espace concerné mesurant 2 millions de km2, d’autre part du fait que la notion de Paléolithique y est difficilement applicable et notamment celles de « Paléolithique supérieur » ou d’Epipaléolithique-Mésolithique établies en Eurasie occidentale. L’Indonésie et ses myriades d’îles et îlots (environ 18000) s’inscrivent dans un rectangle 5000 km sur 2000 km de part et d’autre de l’équateur ce qui en fait le plus grand archipel du monde. Cette aire géographique immense s’étirant sur un espace maritime d’environ 6 millions de km2, ne nous permet pas aujourd’hui de traiter exhaustivement l’ensemble des groupes industriels, des faciès ou des cultures préhistoriques, c’est pour cela que nous aborderons les principaux. L’Indonésie occupe une place privilégiée pour l’histoire des hommes fossiles qui la rend incontournable dans les connaissances de la variabilité des comportements des hominidés en contexte intertropical. Cette contribution a pour objectif de dresser un bilan critique et objectif des différentes méthodes de taille rencontrées depuis 1 million d’années sur les principales îles à partir d’une sélection de sites dont la stratigraphie est bien établie et bien datée.
 Rares sont les technocomplexes bien définis avant l’Holocène, période où l’insularité de cette aire géographique s’est fixée avec la remontée marine marquant progressivement le début de l’histoire des archipels insulindiens. Parmi ceux-ci nous citerons le « Toalien » à Sulawesi (faciès à pointes), le « Sampungien » (faciès à pointes) et les industries sur éclats de Song Keplek ou « Keplekien » (débitage orthogonal) dans l’Est de l’île de Java. Hormis ces trois traditions techniques qui restent individualisables sur un plan typo-technologique, il n’y a pas dans l’ensemble du matériel rencontré, de faciès différentiables associés à une dénomination d’outils spécifiques. En règle générale, les industries lithiques du Pléistocène supérieur et de l’Holocène indonésien répondent à une production basique d’éclats et d’outils sur éclats avec de multiples variantes régionales. Le mode de débitage est très largement à la pierre dure, non Levallois, rarement Discoïde, non lamino-lamellaire tel qu’on peut le rencontrer en Europe de l’Ouest ou au Proche et Moyen-Orient. Contrairement à l’Asie du Sud-Est continentale où il est encore plus difficile de discerner un Paléolithique ancien, moyen et récent du fait de la continuité d’industries toutes réalisées sur galet (Hoabinhien et autres), l’Indonésie qui devient insulaire à la marge du Pléistocène et de l’Holocène propose une hétérogénéité des assemblages lithiques sans précédent. C’est-à-dire une diversité dans les modalités de production lithique selon différentes chaînes opératoires de façonnage (galet, pointe de type de Sampung, biface...) ou de débitage (discoïde, orthogonal et laminaire).
 Le but de cet article est donc de présenter de façon synthétique les principaux ensembles lithiques de l’Archipel indonésien à partir d’une sélection d’îles sur lesquelles des assemblages lithiques ont pu être correctement documentés. Nous nous intéresserons ainsi aux îles de Sumatra, de Java, de Kalimantan (Bornéo), de Sulawesi, et à quelques autres plus orientales qui, comme Timor et Flores, ont, ces dernières années, livré des découvertes de premier plan en paléoanthropologie et en préhistoire. Par commodité, nous avons été obligés de procéder à des coupures régionales et chronologiques (Pléistocène ancien-moyen et Pléistocène supérieur final-Holocène ancien) qui permettent d’exposer au mieux cette synthèse sur des assemblages lithiques qui n’ont pas tous fait l’objet d’études technologiques approfondies au sens où nous pouvons l’entendre en Europe avec l’utilisation du concept de chaîne opératoire.
Highlights
Introduction à la mosaïque des industriesL’Indonésie est une région insulaire privilégiée d’Asie du Sud-Est pour comprendre la dispersion, l’isolat, l’extinction et les comportements techniques des premiers homininés
Si l’on se réfère aux connaissances relatives aux systèmes de production lithique d’Asie du Sud-Est, l’île de Bornéo (730000 km2) apparaît comme une sorte de Terra incognita à l’exception de quelques sites dans sa partie malaise (Sarawak, Sabah) et d’autres dans la partie indonésienne (Kalimantan Ouest, Est et Sud)
W. 2014, Taphonomy of Stegodon florensis remains from the early Middle Pleistocene archaeological site Mata Menge, Flores, Indonesia
Summary
L’Indonésie est une région insulaire privilégiée d’Asie du Sud-Est pour comprendre la dispersion, l’isolat, l’extinction et les comportements techniques des premiers homininés. Si l’on ne s’autorise pas encore à parler stricto sensu de site acheuléen pour cette période comme on pourrait le faire plus facilement en Europe de l’Ouest, au Proche-Orient voire même en Asie du Sud (Dennell 2009), toute une gamme d’outils très divers sur quartz ou roche métamorphique fait état d’une industrie archaïque et originale à la fois (Soejono 1979). Hormis quelques pièces exceptionnelles de très grande dimension (≥ 20 cm) comme celles de Sumatra Sud réalisées à partir de méga-blocs de silex (chert) qui témoignent d’un doi:10.2218/jls.v4i2.2544 façonnage parfois bien maîtrisé, les bifaces d’Asie du Sud-est sont généralement peu soignés, de modeste facture comme le montre la Figure 4. Les datations utilisées sont des datations Argon et par traces de fission pour le niveau cendreux d’origine volcanique contextualisant les fossiles retrouvés et des datations Useries et ESR sur les dents fossilisées
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