Abstract

Cette étude est basée sur les notes ethnographiques prises pendant les mois durant lesquels j’ai accompagné mon père de 90 ans à l’admission aux urgences, pendant l’hospitalisation qui s’en est suivie et pour des soins médicaux, risqués vu son âge, mais vitaux en raison de la détérioration rapide d’une jambe inférieure gangrenée. L’étude explore les rapports de force, complexes, entre les dispositifs institutionnels de prise en charge des patients, d’une part, et, d’autre part, la trajectoire continue du devenir de l’individu et sa production de savoirs existentiels, une fois qu’il est confronté aux facteurs sociodémographiques ainsi qu’aux normes en jeu dans un hôpital urbain d’aujourd’hui. Les choix de fin de vie auxquels les première et deuxième générations de migrants intra-européens doivent faire face ont mobilisé une culture transnationale et transgénérationnelle au quotidien, au sein d’un accompagnement personnel des émotions et des corps, ainsi qu’une prise en charge relationnelle et de proximité. Cet aspect peu étudié de la prise en charge informelle des migrants dans les centres hospitaliers peut combler un vide au sein des structures normatives médicales concernant les patients en fin de vie, surtout ceux appartenant à une culture différente de la culture locale. En tant que corps des plus âgés, les déplacés et migrants intra-européens contemplent désormais les « frontières » spatiales et temporelles de leur propre vie. Loin d’expérimenter la mort solitaire, culturelle et sociale que les hôpitaux leur proposent, les patients migrants intra-européens deviennent alors des véhicules incarnés, engagés dans des processus ouverts de transmission de la mémoire, et contribuent ainsi à de nouvelles histoires, déterrées d’un passé interdit, inconnu et muet jusqu’à très récemment.

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