Le fil de l’expérience

Abstract

On tente ici de prendre l’idée d’expérience pour fil conducteur de tout l’itinéraire intellectuel de Bergson. Parti d’une expérience intérieure de la liberté massivement opposée à toute spatialisation objective, le philosophe ne tarde pas à s’engager dans l’exploration d’une expérience plus dialectique, où la réalité humaine s’éprouve à l’intersection mouvante de l’extension et du recueillement, de la perception et du souvenir. Ce qui le conduit à transposer ces tensions anthropologiques au plan d’une expérience plus universelle : l’élasticité de la durée se révélant inhérente au tout d’une création où l’élan de la vie ne va pas sans les retombées de la matière. Vient alors un temps de transition et d’attente, où la visée métaphysique d’une expérience intégrale s’éprouve confrontée aux expériences différenciées de la science et de l’art, de la morale et de la religion. À terme, la pensée accepte de se mettre à l’écoute d’une expérience (mystique) éminente dont elle s’efforce de dégager la signification raisonnable pour l’humanité, son histoire et sa vocation. Cet « empirisme vrai » peut sans doute encore être repris et prolongé autrement aujourd’hui.