Abstract

© Histoire sociale/Social History, vol. LIII, no 107 (Mai/May 2020) Le choix de Marie : Aimé Césaire et Suzanne Césaire face au 22 mai (1948-1960) MALIK NOËL-FERDINAND* Entre 1948 et 1960, Aimé Césaire et Suzanne Césaire se sont inspirés de la victorieuse insurrection antiesclavagiste du 22 mai 1848 en Martinique. Ils ont tous deux fondé leurs productions sur une lecture d’un roman de Lafcadio Hearn dans lequel Youma, une nourrice esclave, choisit de mourir avec ses maîtres pendant la révolte. Dans son texte à propos de Victor Schœlcher (1948) comme dans ses poèmes « Mot » (1950) et « Statue de Lafcadio Hearn » (1955-1960), Aimé Césaire installe le lecteur au cœur d’une insurrection nègre où officie le quimboiseur que Hearn avait méprisé. Le manuscrit d’Aurore de la liberté (1952), la pièce de Suzanne Césaire, est perdu. Cependant, l’analyse de deux recensions restées inexploitées montre que les représentations constituent une révolution esthétique. Ces deux inestimables documents révèlent aussi que la dramaturge a changé la fin du roman de Hearn : rebaptisée Marie, Youma se joint à la révolte de 1848. Contrairement à Aimé Césaire, Suzanne Césaire investit le personnage de la da, sortant de l’oubli les domestiques esclaves tués le 22 mai 1848. Between 1948 and 1960, Aimé Césaire and Suzanne Césaire drew on the successful antislavery insurrection of May 22, 1848 in Martinique for artistic inspiration. Both based their writings on a novel by Lafcadio Hearn in which a female enslaved domestic, Youma, chose to die alongside her masters during the revolt. In his work on Victor Schœlcher (1948), much like in his poems “Mots” (1950) and “Statue de Lafcadio Hearn” (1955-1960), Aimé Césaire places the reader at the heart of an “insurrection nègre,” and offers a positive depiction of the Quimboiseur sorcerer, which Hearn had originally presented as a character worthy of being despised. Suzanne Césaire’s reinterpretation of Hearn’s novel entitled Aurore de la liberté * L’auteur remercie M. Claude Bougainville, directeur de publication du journal Justice, et M. Johnny Hajjar, directeur de publication du journal Le Progressiste, pour leurs aimables autorisations. Il tient à remercier Raymond Bourgade pour l’entretien qu’il lui a accordé. Il voudrait également remercier pour leur aide le personnel des Archives départementales de Martinique, de la Bibliothèque nationale de France, de la Bibliothèque Schœlcher et de la municipalité de Fort-de-France, ainsi que Juliette Agésilas, Philippe Bourgade, Laurence Henry, Jessica James, Kesewa John, Myriam Moïse, Armand Nicolas, Victor Tisserand, Henja Vlaardingerbroek et Lily Woodruff. Ce travail doit beaucoup à la patience des éditrices, Myriam Cottias et Audra A. Diptée, et aux relectures effectuées par les évaluateurs externes, par les correcteurs d’Histoire sociale / Social History et par Chrystel Noléo. 132 Histoire sociale / Social History (1952) has not survived. An analysis of two under appreciated and invaluable reviews suggests that these performances were revolutionary in aesthetic terms and reveal how the playwright changed the ending of Hearn’s novel. Instead of staying to die alongside her masters (Hearn’s interpretation), Youma changes her name to Marie and chooses to join the revolt of 1848. In contrast to Aimé Césaire’s reinterpretation, Suzanne Césaire develops the character Youma more fully and in so doing gives voice to the neglected enslaved female domestics who were killed on the 22 May 1848. Figure 1 : Aimé Césaire dévoile la plaque aux pieds de la statue de Khokho. Source : Le Progressiste, 25 mai 1994. 133 Place du 22 Mai 1848 Martiniquais, souviens-toi AUX PIEDS DE LA STATUE de fer forgé, Aimé Césaire dévoile une plaque1 (figure 1). Nous sommes le 22 mai 1994, quartier Trénelle à Fort-de-France, à deux pas de la rue du 23 Mai 18482 . Le maire de la ville appose une épigraphe sur un monument jusqu’alors vide d’inscriptions. Vingt-trois ans après le discours d’inauguration du 22 mai 1971, le nom de la place est accolé à la statue3...

Full Text
Published version (Free)

Talk to us

Join us for a 30 min session where you can share your feedback and ask us any queries you have

Schedule a call