Abstract


 
 
 En 1923, Édouard Garand fonde à Montréal une maison d’édition destinée à promouvoir la littérature canadienne au sein de la classe populaire et francophone à travers le pays. Gérard Malchelosse, membre du comité éditorial, dira à propos des visées de l’entreprise qu’elle promeut «une édition canadienne de Romans canadiens, écrits pour des Canadiens par des Canadiens et imprimés au Canada par des Canadiens. C’est une entreprise nationale destinée à fournir un stimulant de patriotisme, tout en aidant les auteurs de chez nous en propageant leurs ouvrages». Bien que cet ancrage résolument nationaliste pourrait laisser croire que les Éditions Édouard Garand s’adressent exclusivement à un public local, l’étude de la distribution de la collection « Le Roman canadien » nous informe sur ses réseaux commerciaux de distribution particulièrement étendus : au premier temps de ce rayonnement extérieur se trouvent les villes des colonies françaises et britanniques, ainsi que l’Amérique, depuis New York jusqu’à Buenos Aires.
 
 
 
 
 
 
 L’article propose d’étudier ces réseaux en regard de leurs positionnements coloniaux, politiques et marchands, tout en mettant en contexte ce rayonnement par rapport aux activités d’exportation de livres canadiens de l’époque. L’étude des documents du Fonds Édouard-Garand (Université de Montréal) permet de constater la mise en place de deux réseaux distincts. Dès 1926, on annonce que les Romans canadiens sont vendus dans des points de dépôt en France, en Grande-Bretagne, mais aussi, de manière plus surprenante, à Saigon, à Alger et au Cap. L’éditeur semble alors exploiter les réseaux marchands de comptoirs coloniaux français et britanniques pour participer à la diffusion, au sein de différentes librairies francophones, de la littérature canadienne outremer. Puis, à partir de 1944, alors que la France est encore sous l’Occupation, Montréal devient la plaque tournante de l’édition francophone mondiale, et Garand en profite pour ouvrir de nouveaux réseaux de distribution vers l’Amérique latine, convoquant un ensemble de relations diplomatiques et politiques canadiennes. L’éditeur cible alors notamment les dépositaires en Argentine, au Chili, en Colombie, à Cuba et au Pérou, par le biais des représentants commerciaux et des fonctionnaires du Ministère des Affaires extérieures du Canada. Cette entreprise ne vise toutefois pas, chez l’éditeur, une inscription dans des réseaux d’échanges intellectuels et culturels suivant l’axe nord-sud, étudiés notamment par Michel Lacroix et Michel Nareau. Résolument commercial, le système mis en place par Édouard Garand touche moins l’économie du savoir que la mise en marché de produits littéraires.
 
 

Highlights

  • Adrien Rannaud*À mi-chemin entre le littéraire et le médiatique, La Revue moderne se prête bien à une analyse articulant les poétiques journalistiques de la première moitié du xxe siècle au Québec, avec la consolidation d’une culture médiatique et, plus largement, d’une culture moyenne dont le magazine constitue un vecteur déterminant[1]

  • This article studies the modalities of the intersection between magazines and literature in Quebec, a meeting that must be examined through a systematic lens that takes into account the entire ensemble of forms, discourses, and practices that compose the modern media regime while at the same time addressing the historicity of literary phenomena

  • From three groups of texts, the article seeks to show how La Revue moderne may be understood as a crucible for literature, inscribed in middlebrow culture, in which discursive practices and a variety of poetic experimentations interact with, influence, and question one another in the characteristic polyphony of the media matrix

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Summary

Adrien Rannaud*

À mi-chemin entre le littéraire et le médiatique, La Revue moderne se prête bien à une analyse articulant les poétiques journalistiques de la première moitié du xxe siècle au Québec, avec la consolidation d’une culture médiatique et, plus largement, d’une culture moyenne dont le magazine constitue un vecteur déterminant[1]. Ainsi que l’ont montré Faye Hammill, Michelle Smith et Chantal Savoie, La Revue moderne des années 1950 épouse les principes d’une économie de marché fondée sur les axes structurants de la culture moyenne : la domesticité, le voyage et les vacances, la mode et la consommation, le développement du public féminin[13]. Cinq sections composent le sommaire durant la décennie 1950 : les deux premières (« Roman » et « Nouvelle ») renvoient à la portion de fiction inscrite dans La Revue moderne, et sur laquelle on reviendra plus loin, tandis que les trois autres (« Articles », « Chroniques féminines » et « Chroniques mensuelles ») portent la marque de l’information de type généraliste et en même temps spécialisée. Madeleine, « S’unir pour grandir », La Revue moderne, vol 1, n° 1, novembre 1919, p. 9

Fiction et amour à la française
Conclusion
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