Abstract

Le discours psychiatrique contemporain dominant repose principalement sur un paradigme médico-technologique où la souffrance mentale est conceptualisée comme un « mécanisme défectueux » qui nécessite une « réparation » grâce à l’arsenal médical. Dans ce contexte, l’evidence-based medicine(EBM) a donc été largement adopté par la psychiatrie à la fin des années 90. L’EBM est une proposition qui vise à influencer et même légiférer la prise de décisions cliniques en mettant de l’avant l’idée d’une hiérarchie des évidences, où le savoir tiré d’essais contrôlés randomisés (ECR) et de méta-analyses a préséance sur les informations tirées d’autres sources. Ainsi, comme l’EBM favorise ces outils de création de savoir (ECRs et méta-analyses) il en découle que le savoir qui compte véritablement dans le paradigme EBM est celui qui est mesurable et spécifique ; deux conditions préalables nécessaires pour l’utilisation même de ces outils. En conséquence, l’EBM diminue la valeur et va même jusqu’à ignorer d’autres formes d’évidences, de savoir et de justifications pour la prise de décisions cliniques. Du point de vue éthique, le concept EBM soutient que la « bonne chose à faire » est d’appliquer le savoir produit par l’EBM dans le contexte clinique. Les autres formes de savoir pouvant être impliquées dans la prise de décisions cliniques, mais qui ne peuvent pas être étudiées via l’EBM, sont dévalorisées d’un point de vue éthique. La littérature révisée et explorée ici considère donc que l’EBM est mal adapté à la réalité de la pratique psychiatrique. L’EBM ne peut pas, par définition, prendre en compte les spécificités de la discipline, notamment pour ce qui est des diagnostics psychiatriques ; leur complexité rend les évidences produites par l’EBM d’une validité questionnable. Le concept ne peut pas non plus tenir compte des spécificités des thérapeutiques psychiatriques. Les facteurs thérapeutiques non spécifiques, ceux discrédités par l’EBM, sont cruciaux pour les soins de santé mentale. Également, les observations portant sur des aspects de l’esprit, sur des expériences subjectives, ne sont que bien incorrectement traduites en résultats statistiques, mesurables et spécifiques. Ces observations amènent le présent essai à considérer qu’il serait peut-être préférable pour la psychiatrie, de rejeter la « hiérarchie des évidences » de l’EBM, et de développer son propre « système des savoirs ». Celui-ci devrait prendre en compte la position épistémologique unique de la psychiatrie, où subjectivité, contextes, et valeurs pourraient occuper de façon légitime la place qui leur revient dans la prise de décisions cliniques en psychiatrie. Bien qu’une alternative à l’EBM en psychiatrie n’ait pas encore été établie, la littérature, et ce papier pointent vers l’idée d’un « système des savoirs » plus flexible que ce qu’offre l’EBM en termes épistémologiques, où les aspects éthiques reliés à la discipline, incluant l’éthique du savoir, l’éthique de « ce qui compte comme évidence », revêtent une importance cruciale.

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