Abstract

L’enlèvement est une forme originale de violence dont la compréhension est contrainte par la visibilité exclusive de certaines de ses pratiques, notamment les prises d’otages et les disparitions. À ce titre, elle a toujours été exclue des univers guerriers et n’a jamais été considérée comme une modalité de combat. Pourtant, les dizaines de milliers d’enlèvements qui ont lieu au Liban de 1975 à 1990 témoignent de la centralité d’une telle pratique dans un conflit civil où s’imbriquent des logiques complexes. Massivement mobilisée par les combattants, la capture s’est imposée comme une arme incontournable du répertoire d’action guerrier et son étude permet d’interroger les mécanismes à l’œuvre sur le terrain. Violence adaptée aux rythmes de la guerre et aux configurations particulières des combats, l’enlèvement est mis au service d’objectifs multiples. Moyen d’échange et de négociation avec l’ennemi, rituel de vengeance, instrument d’homogénéisation des espaces et de contrôle des territoires, les captures disent beaucoup des enjeux stratégiques de la guerre et du rapport à l’ennemi. Utilisés de façon permanente durant les quinze années de conflit et touchant indistinctement civils et militaires, les enlèvements ont constitué une des formes les plus anxiogènes de la guerre et un traumatisme durable pour la population. Imprévisible et brutale, la détention des corps pose des enjeux inédits en termes de violence infligée et subie qui permettent de pénétrer au cœur d’une réalité longtemps oubliée : celle de l’expérience de guerre libanaise. Cette « nouvelle » arme interroge également les formes du combat moderne. La multiplicité de ses usages et les rapports équivoques à l’ennemi qu’elle exprime expliquent peut-être qu’elle se soit faite une place importante dans un conflit aux configurations peu classiques.

Highlights

  • Nos recherches sur la guerre du Liban de 1975-1990 nous ont amenée à constater la place centrale tenue par une violence qui n’avait jusqu’à présent pas été identifiée comme appartenant à l’univers guerrier : celle des enlèvements

  • À travers nos recherches sur les modalités de ce ciblage, nous avons pu constater qu’au même titre que les francs-tireurs et les bombardements, l’enlèvement est une arme qui touche massivement la population civile

  • Ces logiques de représailles perdurent tout au long du conflit et sont un des principaux moteurs de la violence de l’enlèvement

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Summary

Introduction

Nos recherches sur la guerre du Liban de 1975-1990 nous ont amenée à constater la place centrale tenue par une violence qui n’avait jusqu’à présent pas été identifiée comme appartenant à l’univers guerrier : celle des enlèvements. Les grilles d’analyse développées agissent comme autant d’écrans qui peinent à rendre compte de l’ensemble des formes et des logiques que les enlèvements peuvent endosser, notamment lorsqu’ils sont massivement mobilisés dans certains conflits aux configurations peu classiques. Cet article qui s’inscrit dans une recherche en cours se donne pour objectif d’esquisser les premiers éléments d’une anatomie des enlèvements en montrant que la pratique ne se trouve pas à la marge de la guerre mais bien en son plein centre

Les enlèvements : émergence et centralité de la pratique
Spontanéité et institutionnalisation de la violence
L’impossible neutralité civile
Volatilité des clivages
Une violence de guerre massive
Omniprésence dans l’espace
Enjeux de la violence faite aux corps
Économie de troc et mécanismes de vengeance
L’arme d’une guerre territoriale
Ambiguïtés des rapports à l’ennemi
Conclusion
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