Abstract

RésuméDans ses travaux récents, le professeur Harry Arthurs récuse désormais l'idée que la «citoyenneté industrielle» représente un paradigme fondamental pour l'étude du droit du travail, en dépit du fait qu'il ait défendu avec conviction cette position depuis 1967. Ce changement d'attitude est basé en partie sur le processus de juridicisation de l'arbitrage des griefs, lequel découle largement de la pénétration de ce champ par les normes juridiques complexes relatives à la discrimination au travail. Pour Arthurs, le pluralisme juridique caractéristique des rapports collectifs de travail se voit progressivement érodé par le mouvement de juridicisation largement initié par laCharte canadienne des droits et libertés. L'auteur entend mettre à l'épreuve cette thèse, en analysant la situation qui prévaut au Québec quant à l'arbitrage des griefs mettant en jeu les droits de la personne. Le contexte global n'est certes pas exactement le même, laChartequébécoise possédant une nature spécifique, plus ouverte à la reconnaissance des droits sociaux que ne l'est laChartecanadienne. Quant au droit à l'égalité toutefois, on retrouve suffisamment d'éléments communs pour autoriser la comparaison. L'auteur s'appuie à ce effet sur une étude empirique (analyse de contenu, interviews semi-dirigés) menée à l'École de relations industrielles et au Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, étude portant sur les cas de discrimination au travail traités, d'une part, par les arbitres de griefs, et, d'autre part, par le Tribunal des droits de la personne du Québec. La recherche empirique met en lumière la nature autoréférentielle du traitement de ces cas: même si le droit est le même, son interprétation et son application diffèrent largement suivant qu'un cas est traité par la sphère du travail (les arbitres de griefs) ou par la sphère des droits de la personne (le Tribunal des droits de la personne). Voilà qui s'explique par les valeurs et les intérêts divergents des acteurs concernés, ainsi que par les pressions que le système des relations industrielles exerce sur les arbitres, ceux-ci faisant office de mécanisme de «couplage structurel» entre le système juridique et le système des relations industrielles. Ceci ne revient aucunement à dire que la thèse de Arthurs est «fausse», mais seulement à constater que, pour l'instant du moins, elle ne peut être fermement établie en contexte québécois. À tout événement, les travaux passés et présents de Harry Arthurs sur la citoyenneté industrielle demeurent de la plus grande importance scientifique pour qui veut comprendre l'évolution actuelle des relations industrielles et du droit du travail.

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