Abstract

Immergés dans un nouvel environnement, les colons, voyageurs, missionnaires et auteurs de récits de voyage de la Nouvelle-France accordent fréquemment une large place à la description de la faune dans leurs ouvrages, soulignant sa diversité et surtout son abondance : Samuel de Champlain, Jacques Cartier, Gabriel Sagard, Pierre Boucher comme d’autres s’émerveillent devant le foisonnement d’oiseaux migrateurs, l’incroyable richesse halieutique du fleuve Saint-Laurent, ainsi que la multitude d’orignaux, ours, caribous, cerfs, renards, loups, castors, ou chevreuils. Leur présence généreuse est associée au monde rural, sauvage, aux forêts boréales qui forment leur habitat. En revanche, les espèces animales indigènes sont beaucoup moins assimilées au milieu urbain au sein du paysage historiographique. La tendance d’un très grand nombre d’entre elles à se rapprocher de l’homme, joint à la proximité de la ville avec une faune terrestre, aviaire ou aquatique nombreuse, permet pourtant d’y supposer leur présence. Prenant pour cadre Montréal et surtout Québec, pour laquelle les informations sont les plus abondantes, cet article se penche sur les interactions entre la société urbaine coloniale et son environnement, entre 1663 et 1763. Il vise à mesurer à quel degrés la faune sauvage—essentiellement la tourte—joue un rôle dans la vie citadine et son organisation, faisant émerger des pratiques comme celle de la chasse dans l’espace urbain. La recherche permet donc de transposer une problématique généralement liée au monde rural vers un milieu au sein duquel elle n’est pas forcément associée, permettant de saisir, à travers les agents non humains, la manière dont une société s’approprie, façonne, gère, et conçoit son espace.

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