Abstract
À partir d’une ethnographie comparée du travail des officières d’état civil de deux services municipaux français, l’article cherche à comprendre comment s’établissent les critères de suspicion des publics souhaitant « faire famille » aux yeux de l’État. En 2005 et 2019, deux circulaires d’application relatives à la lutte contre les mariages arrangés et les reconnaissances de filiation frauduleuses ont été élaborées afin de renforcer les mesures de contrôle, notamment à destination des personnes en situation irrégulière ou précaire. Ces directives délèguent aux personnels municipaux du bas de l’échelle la possibilité d’évaluer la crédibilité des couples et des parents qui se présentent au guichet. Mais l’approche intersectionnelle met en évidence la manière dont les critères de suspicion s’actualisent selon le contexte d’interaction. Non seulement l’appréciation des dossiers « douteux » prend appui sur les expériences biographiques des officières d’état civil, leur position sociale de genre, de classe et de race ; mais elle s’opère également à l’échelle des administrations municipales et des éluꞏes qui entretiennent plus ou moins une grille de lecture politique ou gestionnaire des familles.
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