Abstract

Les lettres de grâce permettent de mieux mesurer au-delà des discours de chancellerie, l’exercice concret de l’autorité souveraine telle qu’elle s’affirme au cours du xvi e siècle sur la frontière disputée entre les ducs de Lorraine et la Comté de Bourgogne ; de saisir plus concrètement la manière dont se réalise la volonté du souverain d’encadrer et d’assujettir la société frontalière marquée par le statut de « surséance ». Certes, l’octroi de la grâce princière, comme discours normatif, survalorise par nature le point de vue du prince, exprimant à travers des catégories pénales les résistances ou les comportements incriminés. Toutefois, les requêtes permettent de reconstituer l’expérience concrète de la frontière. Les processus à l’œuvre ne sont pas univoques. Le sentiment d’appartenance à un État princier, l’obéissance des officiers par-delà les solidarités locales donnent des signes d’affermissement. Les autonomies locales ne sont pourtant pas frontalement remises en cause. Il faut savoir pour les souverains composer avec les pouvoirs locaux qui sont des relais indispensables de leur autorité. La frontière reste un territoire dont le contrôle est toujours à conforter car la conflictualité qui s’y exprime est le fruit de forces centrifuges et centripètes alimentées par les rivalités entre Habsbourg et Valois. L’idéal d’un territoire délimité, politiquement et juridiquement unifié véhiculé par la Royauté française trouve ici ses limites jusqu’au début du xvii e siècle. Pour le duc de Lorraine, la contestation de sa souveraineté l’a conduit à user, entre ses terres et la Franche-Comté, de la plénitude de ses droits et des arguments que lui offrait le système impérial pour consolider les agrégats dont étaient formés ses États et les démarquer de son voisin comtois, solidement arrimé au « chemin de ronde » espagnol.

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