Abstract

Depuis le début du xix e  siècle jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la société française assiste à l’invention d’un marché de la rencontre. L’émergence de ce marché se heurte à une solide contestation morale : les agences matrimoniales sont perçues comme une dangereuse extension des activités marchandes à la sphère intime. L’article entreprend de montrer que cette critique de la marchandisation est profondément paradoxale pour la société du xix e  siècle, puisque l’émergence de ce marché ne s’accompagne pas d’une dérégulation des rencontres amoureuses et d’un désencastrement du choix du conjoint au sens où l’entendrait Eva Illouz, mais qu’il s’appuie, au contraire, sur un écosystème du choix du conjoint très largement dominé par les cadres sociaux, économiques et familiaux. Puisque le critère économique est la première règle d’appariement des couples bourgeois, les agences matrimoniales ne sont pas coupables de l’intrication de l’argent avec l’intimité, mais seulement de la rendre visible. Dès lors que cette exhibition nourrit la contestation du marché, elle conduit également marchands et clientèle à élaborer des stratégies diverses pour rendre acceptables aux yeux de la morale autant l’intrication économie/intime que le poids de l’économie dans les critères de choix du conjoint.

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