Abstract
En raison des incertitudes épidémiologiques relatives aux maladies à prions, il est urgent de découvrir et de développer des thérapeutiques anti-prions chez l’homme. L’efficacité des molécules candidates est essentiellement testée in vitro sur des cellules de neuroblastome. Pour plusieurs molécules, dont la quinacrine, il a été observé une discordance entre l’effet anti-prion in vitro et l’absence d’efficacité clinique dans le traitement de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Pour documenter l’hypothèse selon laquelle l’absence d’efficacité de la quinacrine était d’ordre pharmacocinétique (et donc prévisible), la disposition de la quinacrine (disparition de la quinacrine du compartiment sanguin, qui résulte par exemple de processus de distribution et d’élimination du principe actif) a été étudiée à la fois in vivo et in vitro afin de déterminer les doses qu’il conviendrait d’administrer in vivo pour obtenir des concentrations efficaces dans la biophase. Le modèle de brebis naturellement atteintes de tremblante a été utilisé. Dans un premier temps, un essai thérapeutique contrôlé sur des brebis en phase clinique de tremblante a permis de confirmer ce qui était connu chez l’homme, c’est-à-dire l’absence d’efficacité clinique de la quinacrine. Sur le modèle in vitro reproduisant les conditions princeps de culture pour lesquelles 50 % de l’effet anti-prion avait été observé, avec une concentration nominale de quinacrine de 300 nM (nanomoles par litre), nous avons redéterminé les EC50 (concentration qui permet d’inhiber à 50 % la formation de PrP pathogène) pour les biophases potentielles de l’action anti-prion en mesurant sélectivement, par HPLC (chromatographie liquide haute performance), les véritables concentrations extracellulaire (120 nM) et intracellulaire (6700 nM) de quinacrine dans les neuroblastomes en culture. Les concentrations de quinacrine dans le Liquide Cérébro-Spinal (LCS) et le tissu nerveux cérébral, représentatifs in vivo respectivement des biophases extracellulaire et intracellulaire, ont été mesurées chez la brebis après une administration de quinacrine. Les concentrations de quinacrine dans le liquide cérébro-spinal (< 2,1 nM et 55 nM, obtenues respectivement pour des doses thérapeutique et toxique) sont restées très inférieures aux concentrations nécessaires pour obtenir in vitro un effet antiprion (120 nM). Les concentrations totales de quinacrine dans le tissu nerveux (1040 nM) après une dose thérapeutique sont restées inférieures aux concentrations de quinacrine actives in vitro (6700 nM) et, seule une dose toxique de quinacrine a permis d’atteindre des concentrations intracellulaires actives (53800 nM). En définitive, quelle que soit la biophase intra- ou extracellulaire, les schémas posologiques non toxiques sont incapables de maintenir des concentrations antiprion efficaces de quinacrine. A l’avenir, pour éviter des études in vivo dont on peut prévoir d’emblée qu’elles sont vouées à l’échec, notamment chez l’homme, il est recommandé de mesurer les EC50 anti-prions dans les biophases in vitro, pour évaluer si les effets anti-prion observés in vitro sont extrapolables in vivo.
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