Abstract

Notre dépendance vis-à-vis du sens commun lorsqu’il s’agit de transformer en récit interprétatif la documentation tronquée issue de nos campagnes de fouille, a été régulièrement soulignée depuis André Leroi-Gourhan. Son pendant, et une de ses conditions d’existence, est notre manque de culture ethnologique. Nous connaissons trop imparfaitement les caractéristiques, les propriétés et les modes de fonctionnement de la vaste catégorie des sociétés pré-étatiques, dont font après tout partie les sociétés préhistoriques européennes. L’objectif de l’ethnoarchéologie et du comparatisme ethnographique est précisément de nous familiariser avec cet univers, par certains côtés si étrange à nos yeux d’occidentaux, de la société que l’on appelait naguère « primitive ». Cet article commence par une réflexion épistémologique sur la manière dont un ensemble de présupposés conditionne les interprétations des études portant sur la relation homme-animal dans les sociétés de la préhistoire récente européenne. Nous essayons d’y montrer comment un modèle implicite inspiré notamment par notre connaissance des paysanneries historiques et une conception biaisée du fonctionnement de l’économie primitive (les deux étant partie prenante de note « habitus intellectuel », forme savante du sens commun) vient se glisser dans le processus de production des connaissances, entre l’examen des faits bruts et l’élaboration des interprétations. L’examen détaillé des formes d’élevage du cochon dans les Hautes-Terres de Nouvelle-Guinée nous sert ensuite à montrer que les présupposés de ce modèle sont tout sauf universels. Il nous conduit aussi à développer des modèles alternatifs susceptibles d’apporter des éclairages inédits sur les élevages préhistoriques, par exemple sur les conditions d’émergence des premières domestications au Proche-Orient et ailleurs. Nous souhaitons ainsi contribuer à l’élaboration d’un catalogue des formes d’élevages connues dans les sociétés pré-étatiques, pré-littéraires et animistes actuelles ou sub-actuelles dans le but d’en faire un outil de compréhension des élevages préhistoriques. L’idée sous-jacente, qui est un des « commandements » de l’ethnoarchéologie, est que la profondeur de la rupture politique, sociale et ontologique introduite par l’émergence de l’État et des religions universelles est telle que le niveau de proximité entre les sociétés pré-étatiques actuelles et préhistoriques sera forcément supérieur à celui qui relie les secondes aux sociétés historiques européennes qui sont la source d’inspiration principale de notre modèle implicite.

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